Par Bruno Carrière
Depuis Louis Lumière et son incontournable « Arrivée d’un train en gare de La Ciotat » tourné en 1895, chemin de fer et cinéma sont indissociables, que le premier se soit mis au service du second ou, inversement, que le second ait servi les intérêts du premier.
Premiers documentaires ferroviaires (1896)
Les premières maisons de production cinématographique (Société A. Lumière et ses fils, L. Gaumont et compagnie, Pathé frères, etc.) n’hésitent pas, dès 1896, à ajouter à leurs catalogues de petits films ayant pour thème le chemin de fer. Le remarquable travail de préservation mené par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) permet aujourd’hui d’avoir une idée de ces témoignages d’un temps révolu (1). Outre quelques rares fictions (Combat sur la voie ferrée 1898, Flirt en chemin de fer 1902, Voyageur peu gêné 1904, etc.), ces films s’apparentent pour la plupart à de courts documentaires tournés tant en France qu’à l’étranger, pour l’essentiel des arrivées en gare filmées depuis les quais ou depuis un train. Quelques-uns cependant ont un regard plus social (Embarquement des pèlerins en gare de Lourdes 1897) ) ou une approche touristique (Le funiculaire d’Aix-les-Bains au Mont Revard 1897, Panorama sur la ligne de Beaulieu à Monaco 1900, Panorama de la ligne de Cauterets 1901, etc.). Pour ce faire, nul doute que les opérateurs ont bénéficié du soutien, sinon financier, du moins technique, des compagnies ferroviaires, ne serait-ce que l’autorisation de planter leurs caméras sur les quais ou, dans certains cas, de les fixer sur la toiture d’une voiture ou à l’avant d’une locomotive.
En dépit de quelques ouvertures (voir ci-dessous), les compagnies ne semblent pas avoir immédiatement perçu l’avantage qu’elles pourraient tirer du cinématographe naissant. C’est ce dont il ressort d’une décision collective arrêtée en février 1914 : « Il sera répondu négativement à la dépêche ministérielle du 10 février 1914, transmettant un article du journal Le Cinéma exposant l’intérêt que les compagnies de chemins de fer auraient à installer dans leurs grandes gares une salle où seraient projetées au moyen du cinématographe les vues des régions pittoresques situées sur le réseau, et demandant d’autre part que ces mêmes compagnies facilitent les déplacements des metteurs en scène de l’industrie cinématographique en leur indiquant, par exemple, directement les horaires des trains, les combinaisons de voyages, etc. (2) »
Premier film de propagande ferroviaire (1899)
Début 1896, Louis Lumière, à la recherche de personnes susceptibles de promouvoir son invention, donne sa chance à un tout jeune homme qui, bientôt libéré de ses obligations militaires, s’est spontanément présenté à lui : Félix Mesguich (1871-1949). Bien qu’étranger à toute technologie, notre candidat apprend vite les secrets du parfait « opérateur-projectionniste » sous la houlette de son mentor, lequel le met néanmoins en garde : « Vous savez, lui dit-il, ce n’est pas une situation d’avenir que nous vous offrons, c’est plutôt un métier de forain ; cela peut durer six moi, une année, peut-être plus, peut-être moins. » En attendant, Mesguich fait ses premières armes à Lyon, s’affirme, et devient l’ambassadeur officiel de la maison Lumière à l’étranger, à commencer par les Etats-Unis et la Russie qui, grâce à lui, découvrent « l’invention diabolique qui tantôt suscitait l’enthousiasme des foules et tantôt les frappait de terreur ! » (L’homme libre, 15 mars 1933). De retour en France, il s’illustre en exécutant en 1898, pour l'Agence nouvelle de publicité, le premier film publicitaire au monde, un court métrage comique montrant trois peintres se disputant devant une affiche murale sur laquelle est inscrite les mots « Ripolin peinture laquée ».
Dans son autobiographie, Mesguich relate cet épisode : « Boulevard Montmartre, au 2e étage d’un immeuble se déploie un vaste panneau de publicité. Un châssis va-et-vient reproduit des photographies comme dans la lanterne magique. Le promeneur ne s’y intéresse guère, il passe indifférent. C’est à mon opinion de la réclame sans résultat. J’imagine soudain que, s’il elle était animée, elle éveillerait bien davantage la curiosité des Parisiens. Dès le lendemain, j’explique cette conception à M. Vergnes, directeur de l’agence exploitant l’écran en question et, l’ayant convaincu, je pars pour Lyon chercher un matériel Lumière mixte, prise de vues et projection. C’est le 18 octobre 1898 qu’apparaît pour la première fois au n° 5 du boulevard Montmartre, la publicité lumineuse pour le cinéma. Désormais, de multiples affiches animées se succèdent sur l’écran en commençant par celle du "Ripolin". J’avais touché juste : dès le premier jour, tous les passants lèvent la tête, les omnibus à impériale "Madeleine-Bastille" s’immobilisent et les voitures de place s’arrêtent. Un service d’ordre doit être organisé sur les grands boulevards pour parer à l’embouteillage de la chaussée (3). »
Fort de ce succès, Mesguich offre ses services à la Compagnie internationale des wagons-lits « qui invitait aux voyages touristiques par des clichés d’ailleurs bien choisis des Pyrénées, de la Savoie et de la Côte d’Azur ». Celle-ci relaie ses propositions auprès des réseaux visés : « Il s’agit tout simplement, explique Mesguich dans ses mémoires, de prendre le panorama des paysages tels qu’ils apparaissent lorsqu’on est à la portière d’un train en marche. » La réponse du PLM lui arrive huis jours après accompagnée d’une lettre circulaire à ses agents et d’un permis de circulation. Il obtient peu après les mêmes facilités du Midi. « Ainsi, écrit-il, au début de l’année 1899, l’écran en plein air de la Compagnie des wagons-lits place de l’Opéra put refléter un visage animé de quelques coins de France. »
Le pavillon des Voyages animés (1900)
Avec ou sans le soutien des compagnies ferroviaires, le recours à l’industrie cinématographique pour mettre en valeur les richesses touristiques de régions desservies, tant en France qu’à l’étranger, se développe rapidement. Les pavillons de l’Exposition universelle de 1900, qui offre au 7e Art naissant une tribune de premier ordre, proposent au public de nombreuses projections de ce type. Si les compagnies ferroviaires sont curieusement en retrait dans ce domaine, il n’en est pas de même de leurs homologues maritimes, notamment la Compagnie générale transatlantique et la Compagnie des messageries maritimes qui commandent pour l’occasion une série de reportages, la première à Mesguich, la seconde à Thévenon, un autre envoyé de la maison Lumière. Mais quoique visiblement absentes, les compagnies ferroviaires n’en sont pas moins présentes par le soutien financier apporté à l’agence de voyages Duchemin, concessionnaire du pavillon des Voyages animés, dont l’objet est de promouvoir cinématographiquement, en alternance avec des projections photographiques, les paysages de la France : sept programmes, renouvelés chaque jour de la semaine, se succèdent de 14 à 19 heures et de 20 à 23 heures dans une salle pouvant accueillir 200 personnes. Desservie auprès du public par des problèmes techniques récurrents dus à une alimentation électrique défaillante, la qualité de l’attraction n’en est pas moins reconnue à sa juste valeur (4).
Le panorama Transsibérien (1900)
Ayant étudié de près l’irruption du 7e Art au sein de ladite Exposition, Emmanuelle Toulet établit un parallèle entre le nouveau venu et les panoramas dits « animés » ou « mouvants » qui préfigurent en quelque sorte le cinéma et jettent là leurs derniers feux (5). De fait, les panoramas, fixes ou animés, sont omniprésents. Parmi les plus remarquables figure celui que la Compagnie internationale des wagons-lits consacre au Transsibérien, sur lequel elle a obtenu en 1898 de pouvoir faire circuler ses trains. Pour l’occasion, la compagnie expose à la jonction des pavillons de l’Asie russe et de la Chine trois des voitures (un WR, un WL et une voiture-salon) qu’elle destine à cette ligne, récemment sorties de ses ateliers de Saint-Denis. C’est des fenêtres de ces voitures, et de l’espace aménagé à leurs pieds afin d’admettre un plus grand nombre de personne, que les visiteurs peuvent contempler le panorama long de 60 mètres et haut de 8. Celui-ci consiste dans le défilement de toiles peintes par Marcel Jambon (1848-1908) et son gendre Alexandre Bailly (1866-1947) – « si hautement appréciés de l’Opéra de Paris » – figurant un voyage de Moscou à Pékin (et qu’importe si les voies n’atteignent encore qu’Irkoutsk, à quelques encablures du lac Baïkal).
Les toiles, au nombre de quatre, sont espacées les unes des autres et se déplacent électriquement à des vitesses différentes – plus rapide pour celle figurant le ballast au premier plan, plus lente pour celle recréant les paysages lointains – afin de créer une illusion d’optique complète. La durée du développement panoramique coïncide avec celle d’un repas au wagon-restaurant, soit 45 minutes. Le développement de chacune des toiles (120 m pour la première, 220 m pour la quatrième) et leur vitesse de défilement inégale (respectivement 300 m et 5 m à la minute) font que les mêmes objets des différents plans ne se superposent jamais deux fois de suite. Le journal La Nature nous a laissé une description technique précise des mécanismes mis en œuvre, conçus par l'architecte Georges Chedanne (1861-1940) auquel la CIWL doit également l'hôtel Elysée Palace inauguré en 1899 (La Nature, n° 1408, 19 mai 1900).
Si ce panorama est détruit à la fin de l’Exposition, il n’en est pas de même du second panorama commandé par la direction du chemin de fer transsibérien à l’aquarelliste Pavel Piasetsky (1843-1919) et exposé à la demande du tsar Nicolas II. De facture plus classique, il est limité au simple défilement d’une toile peinte dans un meuble de dimensions modestes. Longue de 999 m et large 38 cm, la toile est scindée en neuf rouleaux (un dixième leur est adjoint en 1903 pour tenir compte du contournement du lac Baïkal). Conservé au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, le panorama a été restaurée en 2006 (6).
Rappelons que lors de l’Exposition universelle de Bruxelles de 1935, il a été donné aux visiteurs du Pavillon français (où la partie non technique des chemins de fer nationaux a trouvé refuge) de vivre une expérience similaire : « Installés dans une véritable voiture, les voyageurs occasionnels vient se dérouler les sites les plus pittoresques de nos différentes provinces […]. Discrètement commenté par la voix d’un speaker averti, ce voyage fictif à travers des paysages brossés par de véritables artistes et suivi avec le plus grand intérêt par une foule incessante, est certainement une des curiosités les plus remarquées de l’Exposition » (L’Etat notre réseau, n° 47, août 1935). Cette attraction est reprise dans le cadre de l’Exposition internationale de Paris de 1937, puis dans celui de l’Exposition du Progrès social tenue à Lille en 1939.
La Roue d’Abel Gance (1922), la bête noire des syndicats
Après-guerre, le PLM est le plus prompt à répondre favorablement aux demandes du 7e Art (voir ci-dessous l’enquête menée en 1904 par le journal Le Cinéopse). Son apport à la réalisation de La Roue, le chef-d’œuvre muet d’Abel Gance présenté en décembre 1922 sur trois jours en raison de sa longueur, en est l’exemple le plus probant (7). L’histoire se résume aux relations conflictuelles entre le mécanicien Sisif, son fils Elie et sa fille adoptive Norma dont il est secrètement épris. Pouvoir tourner en extérieur est l’une des exigences de notre homme, démarche alors fort peu répandue. Le PLM consent à ce qu’il plante ses caméras dans les emprises de la gare des marchandises de Nice-Saint-Roch. Une entorse à toutes les règles de sécurité dont, confie-t-il en 1936 aux lecteurs du Bulletin du PLM, il a été « le premier et le dernier en date sans doute en France » à bénéficier (Le Bulletin PLM, n° 45, mai 1936). Dépêché sur les lieux du tournage pour le compte du journal L’Illustration, Robert de Beauplan témoigne : « On lui permit de s’installer à demeure dans la gare des marchandises de Nice, à proximité du grand dépôt de locomotives et d’édifier son décor entre les voies mêmes du chemin de fer, les locomotives et les trains passant constamment à moins d’un mètre des opérateurs et des acteurs. Il y avait un passage toutes les dix minutes environ. Afin d’éviter les accidents – car l’on débordait sans cesse sur les voies – on dut organiser un service permanent de signaleurs. Mais on obtint ainsi des "découvertes" vraies. Par chacune des fenêtres, ou des portes de ce premier décor, on apercevait des perspectives de rail, des mouvements de convois, bref, tout ce qui crée une atmosphère ».
Le PLM lui fournit également le personnel, mécaniciens, chauffeurs, hommes d’équipe. « C’est encore, poursuit Beauplan, un principe de M. Gance qu’il faut recourir le moins possible à des acteurs ou à des figurants et utiliser les personnages réels de chaque milieu qui seuls donnent l’impression de vie… Semblablement, ce furent les cheminots qui jouèrent les scènes de cabaret, les scènes d’accident. » Gance attend d’ailleurs que ses interprètes qu’ils s’identifient pleinement aux cheminots qu’ils côtoient et répètent les mêmes gestes dans les mêmes conditions
. « Il fallut, rapporte Beauplan, tourner des scènes en marche, de jour comme de nuit, et certaines d’entre elles sur la plate-forme même de la locomotives. Des groupes électrogènes furent attelés aux machines, les opérateurs et les appareils de prise de vues étaient installés sur le tender ou une seconde plate-forme accrochée au côté de la locomotive, et tandis que le mécanicien véritable ses dissimulait, l’acteur Séverin-Mars faisait tous les simulacres de la conduite » (L’Illustration, 17 décembre 1921).
En marge du film, Pathé produit en 1923 un documentaire muet de huit minutes – Autour de "La Roue – réalisé par le poète et écrivain Blaise Cendrars qui, délaissant temporairement l’écriture pour le cinéma, occupe alors les fonctions d’assistant auprès de Gance. Sorte de « making-of » avant l’heure, il fait découvrir l’envers du décor.
A sa sortie, La Roue heurte la critique. Particulièrement virulent, Le Courrier cinématographique n’hésite pas à parler, dans son édition du 23 décembre 1922, de caricature : « Rien de ce qui se déroule sur l’écran n’arrivera jamais dans la vie, fort heureusement ! Et c’est pourquoi à aucun moment les héros du film ne nous ont émus. Non, rien de tout cela n’est vraisemblable […]. Chacun sait combien sont sérieux ces gens, à qui sont confiés des millions de vies humaines . Or le héros de La Roue, Sisif, s’il n’est pas fou au début, le devient bien vite et continue, malgré cela, son métier. Son aide-mécanicien nous est représenté comme un bon soûlard, comme une sorte de comique de la troupe […]. On ne voit s’agiter ces braves gens [les cheminots] que dans des cabarets borgnes, presque des bouges où le vin et l’alcool coulent à flots. Cela n’est pas rassurant pour les voyageurs. »
Plus grave, les syndicats de cheminots protestent. Pierre Sémard, secrétaire général de la Fédération des travailleurs des chemins de fer CGTU, monte au créneau par la publication d’un tract : « Nous n’avons pas vu "La Roue", mais des échos nous viennent qui nous la présentent comme une caricature de notre corporation, comme un danger social. Afin de nous rendre compte par nous-mêmes des fautes et des faux qu’il renferme, des erreurs qu’il comporte et dont l’action pourrait être préjudiciable aux travailleurs des chemins de fer, nous demandons à M. Ginesty, président du Comité de censure, de nous montrer "La Roue", et de faire appel à nous pour que soient apportées à ce film toutes les modifications nécessaires […]. Imaginez "La Roue" passant telle qu’on nous l’a décrite dans le XIIe, quartier de cheminots ! Ce serait un joli chahut […]. Alors, c’est bien simple : un film médical ne peut être jugé que par un médecin, un film d’histoire par un historien, un film colonial par un colonial. "La Roue" met en cause le monde des travailleurs de la voie. C’est donc à ceux-ci qu’il faut demander un avis. Nous demandons à voir le film et à indiquer nous-mêmes les coupures à faire . C’est pour nous un droit, un devoir. Et si l’on nous refuse ce droit… et bien, nous nous défendrons et nous sommes plusieurs centaines de mille en France, travailleurs de chemin de fer, qui ne consentirons jamais à ce que notre corporation soit présentée sous un jour ridicule et odieux. »
Léon Moussinac, le critique de cinéma attitré du journal L’Humanité est plus mesuré. Il explique qu’il faut « avoir le courage d’oublier tout ce qui pouvait dans ce film nous être insupportable ou même odieux », que si « du point de vue social, comme du point de vue dramatique le film d’Abel Gance n’est pas défendable », éclate dans La Roue « les lueurs d’une sorte de génie cinématographique qui pour être incomplet, n’en existe pas moins ! »(L’Humanité, 23 février 1923).
Il ne faut pas oublier, non plus, les manœuvres souterraines des dirigeants des grandes compagnies visant à soutenir l’encadrement dont Gance dénonce la suffisance et l’incapacité. Le ministre des Travaux publics, Yves Le Trocquer, songe un instant à interdire le film. Pour apaiser les esprits, la maison Pathé impose à Gance des coupes sombres successives – le film est ramené de huit à trois heures en France et à moins de deux heures en Angleterre. Ulcéré par cette « censure incroyable », ce dernier écrit le 11 avril 1923 au représentant de Pathé Limited à Londres : « Cela correspond à enlever des pages un peu partout dans un roman. » La critique est-elle allée trop loin ? Quelques mois plus tard, le scénariste René Jeanne estime les incidents et protestations « plus provoqués que spontanés ». Pour lui, le doute n’est plus permis, La Roue « est une œuvre de grande classe, car seules les œuvres de valeur soulèvent l’indignation de la masse » (Cinémagazine, 29 février 1924).
Echaudé le PLM ? Non pas. En 1923, il apporte encore son aide à un autre cinéaste, Paul Barlatier, pour le tournage de La Course à l’amour. Cette comédie met en scène une jeune fille qui aimée de trois de trois hommes décide de les départager en accordant sa main à celui qui voyagera le plus longtemps avec elle tant sur terre que dans les airs. Le PLM prend en charge le transport par le rail des matériels nécessaires et des artistes, et finance les déplacements par la route à hauteur de 10 000 francs.
L’enquête du journal Le Cinéopse (1924)
En 1921, plusieurs notes portant sur l’organisation des services de publicité des différents réseaux sont adressées au chef-adjoint de l’Exploitation de la Compagnie du Nord. L’emploi du cinéma n’y est mentionné à aucun moment.
En 1924, la revue Le Cinéopse mène une enquête auprès des industriels et commerçants français, invités à répondre à la question : « Utilisez-vous le cinéma ? » Cette enquête est publiée en plusieurs volets, dont un est spécialement consacré aux compagnies de chemins de fer (Le Cinéopse n° 57, 1er mai 1924). Les réponses font état de l’emploi occasionnel de films, voire d’aides directes apportées aux cinéastes, mais, la démarche reste encore marginale.
S’exprimant au nom du PLM, l’inspecteur principal de l’Exploitation Paul Faralicq se déclare un « grand ami du cinéma », qu’il croit « appelé à un avenir merveilleux », et affirme ne laisser échapper aucune occasion de l’aider par le biais d’importantes réductions tarifaires accordées tant pour le déplacement des techniciens que pour le transport du matériel nécessaire. Il en a été ainsi, précise-t-il, de la société de production Natura-Film pour le tournage de documentaires dans les Alpes, dont certains subventionnés car jugés « particulièrement intéressants pour notre propagande ». Faralicq concède toutefois que le PLM n’a jamais été à l’origine de la commande de ce type de films, sa préférence allant à leur achat sur catalogues pour illustrer les conférences de propagande données en son nom par les hommes de lettres, artistes et autres voyageurs. Faralicq avoue cependant une exception : un petit documentaire dont il a lui-même dirigés les prises de vues, consacré aux entrepôts frigoriques de la compagnies et utilisé par lui en appui de rencontres auprès des agriculteurs et éleveurs (8). On peut y suivre les opérations effectuées dans les entrepôts de Paris, de Lyon et de Marseille ; le transport des viandes congelées en wagons frigorifiques ; la ronde des chalutiers de Boulogne-sur-Mer et l’expédition de la marée par trains frigorifiques au départ de ce port, en France mais aussi jusqu’en Suisse et en Italie. A la question du journaliste qui s’étonne que ce film ne soit pas diffusé auprès du grand public, il répond que le PLM n’entend pas se lancer pour l’instant dans une telle entreprise, qui sortirait par trop de son cadre.
Plus encore que Faralicq, le directeur du Service du tourisme de la Compagnie du Midi s’affirme comme un partisan inconditionnel du 7e Art, estimant que le cinéma est « un extraordinaire agent de publicité ». Il invite d’ailleurs son interlocuteur à passer le soir sur le boulevard des Capucines « voir défiler sur l’écran que nous avons installé devant les fenêtre de notre office du tourisme tous les films de notre cinémathèque (9) ». Commandés aux Etablissements Pathé et Gaumont, ces films font la promotion de « tous les sites pittoresques des régions que nous desservons par autocars », notamment ceux de la route des Pyrénées dont les services saisonniers affichent complets longtemps à l’avance : « Ce résultat merveilleux, je l’attribue pour une très grande part à l’emploi du cinéma, de même que la faveur dont jouissent les stations hivernales de Superbagnères et de Font-Romeu. » Le Midi n’hésite d’ailleurs pas à prêter ses films comme « documentaires » aux salles de cinéma, aux sociétés d’enseignement postscolaire et aux conférenciers. Et notre directeur de conclure : « Je suis heureux de pouvoir rendre un hommage très sincère à ce pauvre cinéma, souvent décrié bien à tort et qu’il suffit de savoir employer intelligemment pour en faire un instrument de propagande incomparable. »
Un enthousiasme que ne partage pas le secrétaire général de l’Ouest-Etat, Tony Reymond, qui se retranche derrière la modicité du budget que le réseau consacre à sa publicité, or « le film coûte cher ». Une dizaine de petits films n’en a pas moins été commandé aux Etablissements Pathé, consacrés aux plus beaux sites desservis, parmi lesquels un voyage de Paris à Londres par Dieppe et Newhaven en coopération avec le South Eastern and Chatham Railway. A l’exemple du Midi, le réseau opte pour une large diffusion. Le public n’est malheureusement pas au rendez-vous : « Je dois vous avouer, confie-t-il, que l’emploi du cinéma n’a pas répondu à nos espoirs ; je m’en suis rendu compte en allant assister, dans les salles auxquelles on les avait prêtés, à la projection de ces films. Le public ,ne manifeste aucun plaisir à voir défiler de beaux paysages, des sites pittoresques, des curiosités naturelles, des villes intéressantes, et attend impatiemment le Charlot ou le 10e épisode du roman-cinéma pour lequel il est venu tout exprès. Croyez-moi, ce n’est pas le cinéma qui apprendra au peuple la géographie de la France et lui donnera l’envie d’entreprendre des voyages dans nos provinces dont on se soucie comme de rien. Cette publicité ne nous a pas procuré, j’en suis sûr, trois voyageurs de plus. Alors à quoi bon dépenser de grosses sommes pour un but aussi illusoire ? J’ai donc cessé – à mon grand regret, j’en conviens – l’emploi du film et l’expérience a été trop décevante pour que nous en tentions de nouvelles dans le même sens. »
Le porte-parole du Nord, l’inspecteur principal Chevallier est tout aussi réservé. Selon lui, le tissu essentiellement industriel du réseau ne se prête guère au tournage de films touristiques. Ce constat a conduit le Nord à se limiter à quelques « documentaires ». Trois sont mis en avant, le premier consacré à la gare de Calais-Maritime (distribué en priorité outre-Manche, il a pour but d’inciter les Anglais à emprunter la traversée Douvres-Calais de préférence à celle de Newhaven-Dieppe), le second aux courses hippiques de Chantilly, le troisième au train spécial reliant Paris à Bruxelles en 3 h 45 sans arrêt intermédiaire (projeté tant en France qu’en Belgique dans le cadre des actualités Gaumont). Chevallier ne cache pas sa réticence : « D’une manière générale, je suis assez sceptique quant au rendement de la publicité […]. Cependant, je ne suis pas opposé à l’emploi du cinéma dans certains cas, et bien que nous ne soyons pas disposés à donner une très grande extension à cette propagande, il est possible que nous décidions à faire enregistrer d’autres bandes. »
Raoul Dautry, l’ami du cinéma
De marginal, le recours au cinéma par les Grands Réseaux prend une place grandissante au tout début des années 1930. L’un des hommes qui contribue le plus à ce mouvement de par sa notoriété est Raoul Dautry, directeur général des Chemins de fer de l’Etat depuis 1928. Homme de son temps, il ne peut ignorer le cinéma, qui le lui rend bien. Dans son édition du 1er février 1933, Le Cinéopse le fait figurer dans sa rubrique « Les amis du cinéma à l’honneur » à l’occasion de son élévation au rang de commandeur dans l’ordre national de la Légion d’honneur. La revue met en avant « tout le dévouement que ce haut fonctionnaire manifesta à l’égard du cinématographe dont il avait déjà fait, à la Compagnie du Nord, un élément d’instruction et d’éducation de premier ordre ».
En juin 1937, Ciné France obtient un entretien avec Dautry publié sous le titre « Comment M. Raoul Dautry voudrait utiliser le cinéma ». A la veille de son départ à la tête des Chemins de fer de l’Etat, celui-ci accepte de confier au journal « ses opinions sur le cinéma, ses buts, son rôle ». Pour lui, aucun doute, le 7e Art se doit d’être un atout à l’éducation des personnes. « Le cinéma, répond-il, est à la fois la pire et la meilleure des choses : s’il est mal orienté, mal utilisé, le cinéma ne peut qu’entraîner une baisse du niveau intellectuel et moral […]. Bien orienté, et bien utilisé, le cinéma, au contraire, peut concourir au relèvement des valeurs morales et spirituelles de notre pays. »
Dautry insiste sur son apport essentiel à l’enseignement professionnel. « Je n’apprendrai rien aux lecteurs de Ciné France, poursuit-il, en leur disant que l’emploi du ralenti et du dessin animé, en montrant au spectateur les détails et la décomposition des mouvements d’un ouvrier, de la marche d’une machine ou du processus d’un travail, permettent à l’ouvrier de comprendre plus facilement ce qu’on attend de lui, ce qu’il doit faire, les erreurs à éviter, les fautes à ne pas commettre et leurs conséquences. C’est ainsi que dans les chemins de fer français, et spécialement au réseau de l’Etat, nous avons utilisé des films d’enseignement technique pour notre personnel. Je citerai, notamment, la méthode d’entretien de la voie, dite au soufflage mesuré ; une méthode de réparation de wagons au moyen d’un matériel approprié établi au réseau ; un film montrant le fonctionnement de la commande centralisée du trafic, méthode d’exploitation entre Houilles et Sartrouville, actuellement unique en Europe et qui permet d’utiliser une même voie dans les deux sens au commandement d’un poste central de dispatching situé à Paris-Saint-Lazare. Le cinéma utilisé de cette façon peut être générateur du désir, du goût de l’action, de l’action utile, du beau métier, du travail bien fait, soigné, de qualité » (Ciné France, 25 juin 1937).
C’est au sortir de la Première Guerre mondiale que Dautry, au service de la Compagnie du Nord en tant qu’ingénieur en chef du Service de la Voie et des Bâtiments, tisse ses premiers liens avec le cinéma. Chargé de la remise en état du réseau, il fait en sorte de doter d’une cabine de projection les salles des fêtes des nouvelles cités-jardins dont il supervise la construction. L’occasion pour lui de proposer au personnel, en 1922, un premier court métrage consacré à la colonie de vacances de Saint-Pol-sur-Termoise (Pas-de-Calais), propriété de la compagnie.
Peu après, il commandite un documentaire, L’enseignement technique sur la substitution de voie, à Jean Benoit-Lévy (1888-1959), fondateur en 1922 de la société L’Edition française cinématographique qui a pour but « la production de films d’enseignement et d’éducation ». Dès sa sortie en 1924, Dautry organise pour ses cadres, lors d’une tournée de travail, une projection « en ligne » entre Lille et Dunkerque. Première expérience du genre, réussie mais sans suite immédiate. Ce film, comme bien d’autres après lui, sert à l’instruction « à quai » des personnels concernés et de support à des conférences pour un public confirmé, à l’exemple de celle donnée le 23 janvier 1931 à la Société des ingénieurs civils de France par F. Tettelin, ingénieur en chef des travaux et de la surveillance du chemin de fer du Nord,
Premiers wagons-cinéma pour l’instruction du personnel (1928)
Jusqu’en 1928, l’encombrement et le poids des matériels nécessaires au visionnage des films par le personnel (appareils de projection et batteries d’alimentation) conduisent à organiser les séances d’instruction dans des salles déjà équipées. Cette année-là, la production d’un documentaire sur la perche d’accrochage, qui permet d’accoupler les wagons sans pénétrer entre les tampons, récemment mise au point par le Nord, conduit le réseau à réfléchir au moyen de s’affranchir de cette contrainte afin de pouvoir toucher le plus grand nombre possible de gares. Confrontée au même problème, la Compagnie de l’Est avait trouvé la parade en réservant un wagon au transport des appareils et des batteries d’alimentation, sans toutefois envisager d’y organiser des projections. Qu’à cela ne tienne. Responsable de l’embryon du service cinématographique, Henri Jolif en appelle à l’amour-propre des dirigeants du Nord : « A l’Est, ils ont un wagon-cinéma », leur déclare-t-il péremptoirement. Et ça marche ! Deux mois plus tard, il réseau dispose de son premier wagon-cinéma, obtenu à partir d’un ancien wagon sanitaire américain. L’équipement est rudimentaire : une cabine isolée de la salle par une cloison en bois et, logé dans une boîte en tôle, un appareil de projection équipé d’une lampe de dix ampères sous 115 volts, donc peu de risques d’incendie ; dans la salle, 36 places sur des bancs en bois, le premier à 50 cm du sol, le dernier à 90 cm ; l’écran mesure 1,20 m de base. Un deuxième wagon-cinéma est mis en service en 1930 à la demande du Service commercial pour la présentation de films de propagande touristique dans les expositions nationales et régionales.
La création, en 1928, du premier wagon-cinéma au Nord coïncide avec la nomination de Dautry à la tête des Chemins de fer de l’Etat. Nulle surprise donc si ce réseau se trouve doté, dès l’année suivante, d’un matériel identique dans lequel un agent instructeur présente et commente le film sur… la substitution de voie.
En 1932, c’est au tour de la Compagnie de l’Est d’imiter ses consœurs. En 1934, le Nord double la mise avec un deuxième wagon-cinéma de 78 places. Rappelons que ces matériels se déplacent d’une gare à l’autre et que les projections se font exclusivement à l’arrêt sur les points de stationnement.
Dans son édition du 10 juin 1938, le Bulletin intérieur d’informations destiné aux directeurs et chefs de service de la SNCF rapporte que sur l’ Est « le personnel s’intéresse vivement aux conférences faites dans ces conditions ». Celles-ci, précise-t-il, sont illustrées soit par la projection de films, soit par des projections fixes. Parmi les premières, il cite celles sur « la manutention ; la grue « Vici » ; la perche à accrocher ; la perche lampiste ; l’accouplement des véhicules et la desserte des trains GV et PV ; la reconnaissance des colis et le conditionnement des emballages ; les gares de triages ; les gares de banlieue ; les bagages postaux messageries, colis de détail PV, wagons complets PV, réception des colis à l’arrivée, livraison des colis postaux, constatation des avaries ; les principes de fonctionnement du frein Westinghouse ; la réfection mécanique des voies, etc. ». Quant aux projections fixes, elles ont pour sujet la nouvelle signalisation et les moyens d’éviter les accidents ; une troisième conférence sur la couverture des trains est en cours de préparation.
Cette démarche n’est pas cependant pas appréciée de tous, même si ce courant reste minoritaire. Ainsi, en 1934, un syndicaliste du réseau de l’Est, venu assister à l’une de ces séances organisée en marge d’une gare de la ligne de Vincennes, ne cache pas sa déception et son agacement. Réalisé dans les emprises du triage de Blainville, le film proposé a pour ambition de montrer les différentes opérations propres au débranchement à la butte. D’emblée, notre homme ironise : « Nos camarades de Pantin au plan P savent ce qu’est ce travail et n’ont pas besoin de cinéma pour le revoir, car nombre d’entre eux y ont succombé. » Puis dénonce. Sur le nouvelle signalisation que doivent observer les mécaniciens pousseurs : « Mais tout cela est pris par temps clair, et l’on ne fait pas voir les incidents journaliers qui se produisent, ainsi que par temps de brouillard, où l’on distingue à peine les signaux. » Sur la perche à décrocher : « Une démonstration a été faite […], mais il est à noter que tous les attelages étaient prêts et qu’il n’y avait plus qu’à les faire sauter. Je suis persuadé que nos camarades accrocheurs de Blainville, une fois le film pris, ne trouvent plus les attelages démaillés et qu’ils doivent cavaler pour desserrer les tenders. » Suit une diatribe sur la responsabilité de l’occupant du poste (qui doit s’occuper seul et tout à la fois des signaux et des aiguilles) et les plus graves sanctions qui pèsent journellement sur sa tête à la moindre erreur. A ses yeux, la leçon du film est négative : « Ce ne sont plus des êtres humains au triage de Blainville, mais des automates, qui travaillent sans une minute de relais : c’est un travail à la chaîne, c’est le bagne de la Compagnie de l’Est. » Et plus triste : « J’attire l’attention des camarades qu’il n’y a pas d’agents âgés, seuls sont représentés les jeunes. Il faut aux capitalistes : force, santé, agilité et jeunesse, car à un certain âge on ne peut suivre la cadence de la rationalisation (10). »
Reste que le recours aux films comme moyen d’instruction se consolide. En 1937, sur le Nord, 516 projections d’un film sur le frein Westinghouse rassemblent quelque 10 000 agents du Service du Matériel et de la Traction. La même année, toujours sur le Nord, 11 000 agents des trois Services (Voie et Bâtiments, Matériel et Traction, Exploitation) assistent à la projection de films sur la prévention des accidents et autres courts-métrages techniques.
L’âge d’or des films de propagande touristique (1930)
Lors de son entretien accordé en juin 1937 au magazine Ciné France, Dautry reconnaît qu’une autre utilisation du cinéma réside dans la mise en valeur des richesses touristiques des réseaux traversés : « Pourrai-je, enfin, déclare-t-il, rester insensible à l’utilisation du film pour la propagande touristique ? Naturellement, non ! Et, mon réseau, comme tous les autres, d’ailleurs, se sert pour sa publicité, de très jolis films sur les contrées qu’il dessert, films qui révèlent au public en dehors des paysages et des monuments classés et connus de toutes les personnes cultivées, des sites ignorés, d’un charme rare et délicat. »
De fait, arrivé aux Chemins de fer de l’Etat, il prend l’initiative, en 1930, de faire exécuter quatre films destinés à intensifier la propagande touristique du réseau : deux sur la Bretagne – Armor et Au Pays breton – , le troisième sur la ligne de Paris à Londres par Dieppe, le quatrième, dans le prolongement de ce dernier, sur la Pacific 231. L’annonce par la Revue illustrée des Chemins de fer de l’Etat de leur tournage est accompagnée de la révélation de la création du « Service cinématographique des Chemins de fer de l’Etat », à l’exemple du Nord(Revue illustrée des Chemins de fer de l’Etat, n° 46, novembre 1930). Cet organisme n’a pas pour mission de tourner, mais de mettre en œuvre les désidérata des grands Services en s’adressant aux maisons de production disponibles sur le marché.
Ces films, à la différence des précédentes productions, ont la particularité d’être « sonores et chantants ». Ce progrès est souligné en 1932 lors de la sortie de deux nouveaux courts-métrages consacrés à la Normandie – le premier à la Suisse normande et la station thermale de Bagnoles-de-l’Orne, l’autre aux villes de la côte et à Rouen : « Le cinéma parlant ajoute à la beauté des images : l’attrait des chants populaires, les musiques des cérémonies locales, le murmure des eaux et des forêts ; surtout, il permet de faire accompagner les images par l’indication orale de tout ce qui doit être signalé particulièrement au public » (Revue illustrée des Chemins de fer de l’Etat, n° 67, septembre 1932). Signalons ici l’engagement du chantre de la Bretagne, l’académicien Charles Le Goffic (1863-1932), à qui a été confié le scénario et les commentaires du film Armor, dans lequel il fait une apparition remarquée : « « Pour la première fois, un membre de l’Académie française abordera l’écran, et nous pouvons dire que la photogénie de M. Le Goffic égale sa phonogénie » (La Liberté, 21 octobre 1930). Outre leur diffusion dans les salles de cinéma, ces films servent de support à de nombreuses conférences de propagande tant en France qu’à l’étranger.
D’autres courts-métrages sont tournés dans les années qui suivent, tels une série sur les principaux pardons bretons en 1934 et d’un Paris-Le Havre en 1935. Cette même année, les Chemins de fer de l’Etat finance une série de « sketches » sur le Billet du dimanche, premier exemple de publicité promotionnelle pour un produit.
Le PO et le Midi sont également prompts à recourir au 7e Art . Si le film Midi, ode aux Pyrénées et à l’électrification, tourné en 1933, occupe la première place, d’autres trouvent leur public. C’est ainsi que le cinéaste Jean-Claude Bernard obtient leur concours en 1934 pour le tournage de plusieurs documentaires touristiques comme L’Auvergne, Le Rouergue, ou encore Le Littoral méditerranéen de Cerbère à Sète.
Rappelons ici qu’à l’occasion de l’Exposition coloniale internationale de 1931, les Réseaux se sont entendus pour offrir aux visiteurs des films mettant en valeur les plus belles régions de France. Les projections, gratuites, se sont tenues dans une salle de cinéma aménagée au sein du stand des chemins de fer , lui-même abrité par le Palais de la section métropolitaine, destiné à grouper et exposer toute la production métropolitaine pouvant donner lieu à échanges avec les colonies. Parmi les titres disponibles, l’un est particulièrement mis en exergue par les Réseaux : le Calendrier des beaux voyages « qui donne mois par mois l’indication des excursions à faire de préférence et des lieux de séjour à choisir ». L’objectif du film est clair : « Vous ne craindrez pas d’être déçu dans votre choix puisque, avant même de partir, vous avez une vision exacte des paysages que vous allez parcourir » (Le Matin, 20 août 1931).
Paris-Londres, Pacific 231 (1930), Midi (1933) : les risques du métier
D’autres réalisateurs, autres que Gance, Renoir ou Peskine, ont bénéficié d’un soutien appuyé des autorités ferroviaires. Il s’agit notamment de Jean Arroy qui réalise simultanément en 1930 deux documentaires pour le compte des Chemins de fer de l’Etat et du Southern Railway – Paris-Londres et Pacific 231 – avant de faire profiter de son savoir-faire à Jean Dréville, chargé en 1933 de la réalisation du court-métrage Midi commandé par les Chemins de fer du Midi. Pour ces trois films, Arroy obtient de pouvoir prendre des plans inédits en s’agrippant au flancs des locomotives lancées à toute vitesse. Ainsi, pour les besoins de Paris-Londres – qui conduit le spectateur depuis la gare Saint-Lazare jusqu’à Dieppe et, au-delà, jusqu’au port britannique de Newhaven – et de Pacific 231, l’Etat met à sa disposition une machine de ce type (la 231-022, mécanicien Lambert) qui est aménagée selon ses directives (11). Il évoque lui-même cet épisode après coup, parlant de trésors d’ingéniosité dépensés pour que chaque image ne ressemble à aucune autre déjà vue et d’une installation « qui dépassait de plus de deux mètres sur le côté de la machine » : « … j’ai voulu que le spectateur participe avec moi à leur vie secrète et formidable [celle des locomotives]. Mes opérateurs (Albert Duverger, Géo Clerc, Roger Hubert) et moi avons couru tous les dangers, tenté témérairement le destin, emportés à 120 kilomètres à l’heure sur un mince échafaudage de cordes et de bois, le long d’un train de roues motrices, dans la proximité redoutable du battement paroxyste des bielles. » Arroy rapporte que certaines des prises de vue à bord du transmanche Versailles ont été tournées au-dessus des flots : « Sur le bateau, une installation analogue sur une passerelle, éloignait l’appareil de prise de vues à quelque six mètres de la carène » (L’Europe illustrée, 1er décembre 1930). Si premier de ces documentaires est accompagné d’une partition originale de Paul Devred, à cette particularité d’être synchronisés avec l’œuvre orchestrale d’Arthur Honegger Pacific 231 – créée en 1923 sur les bases de la musique originale qu’il a écrite pour… La Roue d’Abel Gance.
Pour le documentaire Midi – hymne aux Pyrénées, à la houille blanche et à la traction électrique supervisé par Marcel L’Herbier – le procédé est renouvelé, le « puissant tracteur électrique » étant doté d’une plateforme extérieure au niveau des roues motrices. Cette fois-ci, Jean Dréville, chargé par L’Herbier de la réalisation, et Jean Arroy échappent de peu au drame, la plateforme ayant été brisée « comme un fétu de paille » après avoir rencontré à 90 km/h un obstacle sur la voie (L’Excelsior, 3 février 1933). Auteur d’une étude sur le chemin de fer et le cinéma parue en 1950, E. Doubrère revient sur cet épisode : « Un des "clous" du film était une fort belle séquence de vues prises en pleine vitesse sur les immenses alignements droits des Landes, au niveau des roues motrices, sur une console suspendue au flanc abrupt de la locomotive électrique ; ce fut ce tour de force, alors inédit, qui faillit être fatal à Jean Dréville ; en effet, la console avait été placée à contre-voie et les deux opérateurs s’affairaient sur son étroite plate-forme quand soudain l’un d’eux s’aperçut, à grandes distance heureusement, sur l’autre voie, un "lorry" de cantonniers ; Dréville et son compagnon eurent juste le temps de se hisser sur les câbles de suspension de la console et de voir, sous le choc inévitable, leur perchoir voler en débris (12). » Officiellement présenté le 27 octobre 1933, salle d’Iéna à Paris, en présence de Paul Tirard, président de la Compagnie du Midi, et quelques-uns des plus grands noms du monde ferroviaire (dont Raoul Dautry), le film se heurte malheureusement à d’obscurs problèmes de distribution qui l’empêche d’emporter l’adhésion du grand public en dépit de qualités vantées par la critique.
René Clément est moins chanceux. Lors du tournage de Ceux du rail en 1943, documentaire sur la réalité des métiers de mécanicien et de chauffeur, tourné entre Marseille et Nice, il est victime d’un accident qui aurait pu lui être fatal : « Entre Toulon et Nice, un train roule à quatre-vingts à l’heure. Sur la locomotive, un appareil est fixé [entre les tampons avant], un opérateur, l’œil au viseur, "cadre" et René Clément, le jeune metteur en scène, le torse hors de la machine, donne le départ et l’arrêt de la caméra […]. C’est dans cette position que René Clément, happé par la culée d’un pont qu’il croyait plus éloignée de la voie, fut précipité hors de la locomotive et projeté dans un champs bordant la ligne de chemin de fer » (Comœdia, 17 avril 1943). On le retrouve miraculeusement en vie, assis dans un champs, avec une épaule fracturée. Si cet accident est imputable à une inattention, notre homme n’en est pas moins adepte des prises de vues risquées. Ne dit-on pas que pour les besoins d’un documentaire, Triage, réalisé en 1940, il se serait fait attacher sous un wagon.
Le cinéma investit Saint-Lazare et Montparnasse (1932)
Pour en finir avec Raoul Dautry, il nous faut encore évoquer l’appui qu’il a apporté à deux initiatives extérieures visant la promotion du 7e Art. La première est son accord donné à l’implantation d’un « cinéma d’actualités », type de salle très en vogue dans les années 1930, dans chacune des gares de Saint-Lazare et de Montparnasse, inaugurés respectivement en 1932 et 1933. Leur ouverture est le résultat de tractations entre Dautry, Réginald Ford, un homme d’affaires d’origine anglaise très introduit dans le milieu cinématographique, et les journaux Paris-Midi pour le premier (salle « Ciné-Paris-Midi »), Le Journal pour le second (salle « Cinéac-Le Journal »). On notera que R. Ford, par ailleurs propriétaire depuis 1931 du « Ciné-Actualités-Le Journal » (15 faubourg Montmartre) et du « Cinéac-Le Journal » (5 boulevard des Italiens), étend en 1933 la marque commerciale Cinéac (contraction de cinéma-actualités), suivie du nom de son principal sponsor Le Journal (qui se substitue au Paris-Midi en juillet 1933) à l’ensemble de ses salles (13).
Etabli à l’extrémité de la « Galerie des Marchands » qui coure sous la Salle des pas-perdus, le « Ciné-Paris-Midi » – devenu en août 1933 le « Cinéac-Le Journal » Saint-Lazare après que Le Journal se soit substitué au Paris-Midi – est inauguré le 24 mars 1932. Il emporte d’emblée l’adhésion de la presse : « Innovation heureuse, cette salle l’est à tous les points de vue : Paris-Midi, Réginald Ford, M. Dautry le très distingué directeur général des Chemins de fer de l’Etat, n’ont pas perdu leur temps le jour où ils ont eu cette idée » (Cinéopse, avril 1932).
Certains journalistes anticipent un changement dans les habitudes : « Il n’y aura plus de voyageurs attardés. On arrivera avant l’heure pour passer quelques instants au Cin,é-Paris-Midi. Le cinéma de la gare Saint-Lazare a condamné à mort les salles d’attente. Quelle féérie ! A l’arrivée du train, les jours de pluie, on ne se pressera plus pour trouver un taxi. On ira voir les actualités » (Paris-Soir, 28 mars 1932). D’autres mettent en avant la modernité des lieux : « Cette salle qui s’inspire de la même formule que Ciné-Actualités et Cinéac, est un modèle de confort et d’élégance. Aménagée et décorée par Mlle [Adrienne] Gorska et M. [Pierre de] Montaut (14) à qui l’on doit les deux merveilleuses salles citées plus haut, elle comporte de nombreuses innovations des plus intéressantes et qui séduiront notamment les usagers des chemins de fer de l’Etat » (Le Journal, 25 mars 1932).
De fait, sa conception a été guidée par Le souci d’éviter toute nuisance sonore et de faciliter les déplacements des spectateurs : « L’intérieur comporte 250 fauteuils à bascule, avec roulement à billes ; l’espace n’a pas été ménagé, le souci d’assurer une grande aisance de mouvements au public ayant primé celui de nombre de places. La circulation pur entrer et sortir de la salle se fait en sens unique, deux portes de sorties se trouvant placées de chaque côté de la salle […]. L’éclairage de la salle maintient une pénombre constante permettant de se diriger aisément et facilitant ainsi les allées et venues du public. La salle est entièrement de plain-pied. Un écran spécial permet de voir admirablement quel que soit l’angle. Un système de ventilation assure le renouvellement de l’air cinq ou six fois par heure ce qui pour une salle d’environ 800 mètres carrés équivaut à un renouvellement complet environ toute les dix minutes » (L’Architecture d’aujourd’hui, n° 4, mai 1932, p.36-37).
Deux innovations retiennent l’attention du chroniqueur de L’Architecture d’aujourd’hui. La première consiste en l’emploi de « rayons infra-rouges » pur l’ouverture et la fermeture automatiques des portes : « Signalons une installation moderne et presque totalement inconnue encore, du moins dans les cinémas : le fonctionnement des portes au moyen d’un agent invisible. En effet, toute personne s’approchant d’une porte – soit de l’intérieur, soit de l’extérieur – se trouve à un moment donné franchir un espace traversé par un rayon invisible ; instantanément, un mécanisme spécial non seulement enregistre le passage de la personne, mais actionne le battant des portes qui se referment ensuite lorsque le spectateur en a franchi le seuil. »
La seconde innovation s’adresse plus spécialement aux voyageurs en attente d’un train : « Deux horloges placées dans la salle permettent aux spectateurs de ne pas perdre de vue l’heure des trains. » D’aucuns affirment même la présence d’un second niveau d’information : « Et vous pourrez voir les actualités sans être obligés de consulter votre montre. Sur un mur, on affiche : "Le rapide de Fécamp part dans 8 minutes". Ces messieurs ont pensé à tout » (Paris-Soir, 28 mars 1932). Voire d’un troisième niveau, sonre celui-là : « …la salle de Paris-Midi, poste d’information visuelle, qui fonctionne sous la frénésie de cette gare immense, et dont les projections sont ponctuées par l’annonce, aux pavillons des haut-parleurs, des heures de départ des grands rapides, nous donne une esquisse troublante de la cité de l’avenir » (L’Ami du peuple, 11 avril 1932).
Pour sa première semaine d’exploitation, le « Ciné-Paris-Midi » offre un pot-pourri de 40 minutes projeté en boucle de 10 h à minuit moyennant 3 ou 4 francs en fonction de la tranche horaire choisie. Au programme : une rétrospective ferroviaire, La Revue du Rail, montée à partir de séquences puisées dans les films anciens français (dont l’Arrivée du train en gare de La Ciotat des frères Lumière) et étrangers ; un dessin animé sonore, La locomotion à travers les âges ; et, bien entendu, les dernières actualités produites par Paramount et Eclair. Le bilan de la première année d’exploitation s’établit à 5 840 séances d’au moins 50 minutes, totalisant ensemble 679 928 spectateurs (L’Etat notre réseau, n° 20, mai 1933).
Le « Cinéac-Le Journal » Montparnasse est inaugurée le 28 septembre 1933, en présence cette fois-ci de Dautry qui, l’année précédente, s’était fait représenté par le secrétaire général du réseau Raoul Boudier. Participant à la campagne de modernisation des parties inférieures de la gare, il occupe l’ancienne cour des messageries désaffectée depuis plusieurs années. On y accède par l’amorce de la nouvelle galerie marchande qui ouvre sur la rue du Départ. Conçue par le duo A. Gorska-P. de Montaut, la salle offre 600 places de plain-pied. Les solutions retenues pour celle de Saint-Lazare ont été reprises ici. On y retrouve les horloges disposées de chaque côté de l’écran, complétées par un tableau qui indique de minute en minute les trains en instance de départ et le numéro du quai correspondant. Un effort supplémentaire a été apporté aux services : salle des dépêches du Journal pour une information rapide en temps réel, garderie d’enfants, consigne gratuite pour les bagages, fleuriste, salon de coiffure s’alignent de part et d’autre de la galerie marchande qualifiée par certains de « rue Cinéac », un ascenseur permettant l’accès direct aux quais supérieurs. Depuis la galerie marchande, les visiteurs peuvent voir l’installation et le fonctionnement de la cabine de projection et du poste de climatisation au travers de parois en glace (15). Les séances se succèdent sans interruption depuis 10 heures le matin jusqu’à minuit 30, le prix des places fluctuant selon les horaires.
L’appui à l’œuvre du « Cinéma des Ecoliers » (1933)
Un autre soutien de Dautry est celui apporté à l’œuvre du « Cinéma des Ecoliers », créé en 1931 par Françoise Aron. L’objectif de cet organisme est de présenter aux enfants des écoles de Paris et de sa banlieue des films choisis pour leur intérêt éducatif ou récréatif. Les séances se déroulent le jeudi, en matinée ou l’après-midi. Elles sont ouvertes aux parents et se tiennent dans des salles, prêtées ou louées, dont la localisation fluctue en fonction des disponibilités. La presse relaie régulièrement dans ses colonnes les lieux et programmes. Suite à un accord passé en novembre 1933, les Chemins de fer de l’Etat assurent le Cinéma des Ecoliers de leur appui sous la forme d’un concours dits « Concours des beaux voyages ». Il s’agit pour les écoliers, au terme de chaque séance, de se saisir d’un bulletin de participation portant un certain nombre de questions. Ce bulletin est à remplir chez soi, avec la complicité active des parents, l’objectif étant de sensibiliser toute la famille, avant d’être renvoyé au réseau. Les questions – du type « A quelle gare prendre le train pour se rendre à … », « Quels sont les attraits de… ? », « Quelles sont les villes rencontrées ? » – sont rédigées par son Service de Publicité en rapport avec le film de propagande touristique projeté au cours de la séance. Les meilleures réponses sont récompensées par l’attribution d’un certain nombre de bons de réduction à un quart ou à demi-place (y compris pour l’un des parents accompagnateur), d’affiches illustrées et de cartes postales représentant les plus beaux sites desservies. Au cours du conseil du réseau du 18 mai 1934, Dautry se félicite du nombre de réponses déjà reçues (au nombre de 7 000) et cite l’exemple d’un garçonnet de 12 ans qui, ayant gagné un bon à demi-place, a entraîné sa famille de huit personnes à Saint-Malo. Il envisage, en seconde étape, d’organiser des visites collectives de villes, ports, gares, voire d’une usine, d’un paquebot, etc. Ainsi, à l’automne 1934, un groupe nombreux d’enfants du Cinéma des écoliers, accompagnés de leurs enseignants et parents, ont parcouru les différents services de Paris-Saint-Lazare.
Vers une mutualisation des moyens (1934)
Le 5 décembre 1933, la Conférence des directeurs des Grands Réseaux approuve « le principe de la création d’un Service chargé de la publicité commerciale commune aux divers réseaux ». Rendue en décembre 1934, l’étude préliminaire commandée à cet effet aborde la question de l’utilisation du cinéma. Il reconnaît que le cinéma de propagande destiné au grand public est désormais considéré – tout comme la radio – comme un élément à part entière de la publicité des Réseaux, au même titre que les supports traditionnels que sont les affiches, brochures, tracts, revues, conférences, etc. Cependant, la démarche suivie diffère d’un réseau à l’autre. Il en est ainsi du financement des films dont le tournage est exclusivement confié à des maisons de production privées, qui se chargent également de la diffusion. Cette question est particulièrement importante pour les courts-métrages de propagande touristique. Le PLM et le PO-Midi prennent ainsi à leur charge tous les frais, se satisfaisant d’un partage des recettes, choix jugé coûteux et peu rentable, voire même parfois dangereux : suite à un sombre imbroglio opposant le producteur et les directeurs de salles, le retour sur investissement du PO-Midi pour le film Midi a été pratiquement nul. A l’inverse, les réseaux de l’Etat et d’Alsace-Lorraine optent pour des avances partielles, remboursables sur les recettes à venir. Ils exigent, par ailleurs, la remise gratuite d’un certain nombre de copies muettes (avec parfois un sous-titrage en langue étrangère) pour leur propagande, tant en France qu’à l’étranger, dans le cadre de conférences et d’expositions, ou de prêts.
En fait, le PLM ne semble pas accorder une grande importance aux films touristiques à gros budgets. Il se distingue plutôt par l’attention qu’il porte à l’actualité. En ce domaine, il impose sa loi. En vertu de contrats passés avec plusieurs maisons de production (Pathé-Nathan, Eclair-Journal, France-Actualités), il se réserve le droit de leur imposer la couverture et la diffusion d’un certain nombre d’événements. Par ailleurs, il fournit aux producteurs en question des « calendriers » qui, dressés par les inspecteurs du réseau, leur indiquent les actualités susceptibles d’être filmées. Dans le premier cas, il finance les tournages ; dans le second, il bénéficie de films à titre gratuit (16). PLM rémunère également l’agence de publicité Public-Ciné pour l’élaboration de petits films de réclame à projeter pendant les entractes. Les exploitants des salles qui acceptent leur prise en charge sont récompensés par l’octroi de permis de libre circulation sur les lignes de son réseau.
Le Nord recourt aussi au cinéma que ce soit pour sa propagande touristique (prêts à des organismes de tourisme ou autres tant en France qu’à l’étranger) ou pour la diffusion d’actualités dans les salles (tournage par Pathé, en 1934, d’un sujet sur la mise en service, le 24 juillet, du service Paris-Lille-Tourcoing par automotrices rapides) ou de réclames lors des entractes (toujours en 1934, réalisation de petits films publicitaire autour du Colis-Express, des courses de Chantilly, des plages). Et, tout comme le PLM, il signale aux maisons de production toutes les manifestations susceptibles de les intéresser. Signalons que la Société des Etablissements Gaumont s’offre (à moins qu’il ne s’agisse là d’un prêté pour un rendu) de pleines pages de publicité dans Nord Magazine, le journal public de la compagnie. L’occasion de mettre en avant les documentaires produits (sur le Super-Pacific en juillet 1930, sur la gare de triage de Lille-Délivrance en août 1930, etc.) mais surtout de faire passer le message suivant : « Grâce à Gaumont bientôt toutes les grandes sociétés commerciale et industrielles possèderont leur film vivant témoignage de leur puissance et de leur activité. »
Le Nord reste cependant très attaché à la publicité lumineuse : dispositifs fixes (à Paris, à l’intérieur de la gare ; à Lille, sur la façade) attirant l’attention des voyageurs sur certains tarifs et services spéciaux (en 1934, 28 textes projetés à Paris et 17 à Lille), ou mobiles (recours aux bandes de la société des Quotidiens Electriques dont l’appareil est installé au carrefour du boulevard des Italiens et du boulevard Haussmann : procédé permettant de lire en temps réels les dépêches télégraphiques adressées aux journaux avec insertion de plages de publicité, soit pour le Nord 1 200 projections en 1934). Enfin, il use du journal lumineux des théâtres qui consiste, lors des entractes, à projeter sur le rideau de scène de la publicité à l’aide de plaques de verre (en 1934, annonces pour le Colis-Express, l’enlèvement des bagages, les billets pour l’Angleterre).
En définitive, la conclusion du rapport remis à la Conférences des directeurs en décembre 1934 préconise non pas une fusion des services de publicité des Réseaux dans un organisme unique, mais un renforcement de la coordination, déjà expérimentée avec succès, autour d’objectifs arrêtés en commun. Il est notamment rappelé que la Conférence des directeurs du 5 novembre a décidé que les Grands Réseaux feraient projeter, à la prochaine Exposition universelle de Bruxelles, douze films (six touristiques et six techniques) édités « sous la surveillance » du Nord, la dépense étant répartie entre eux au prorata de leurs recettes voyageurs de l’année 1933.
L’opération est reconduite pour l’Exposition universelle de 1937. Plusieurs films sont commandés pour être projetés dans la salle de 340 places aménagée spécialement au premier étage du Pavillon des Chemins de fer, cinéma permanent et gratuit. Une sélection de ces films est présentée en avant-première à la presse le 3 juin salle Marignan, adresse prestigieuse inaugurée par Pathé en 1933 au 27, avenue des Champs-Elysées. Au programme :
- Trois documentaires techniques : Savez-vous voyager ?, Vitesse confort 1937 et La locomotive et son maître – le premier énumère tous les moyens mis à la disposition du voyageur pour faciliter son déplacement et lui donne les conseils pour dépenser moins ; le second illustre les perfectionnements réalisés au cours des dernières années dans le domaine de la technique ferroviaire ; le dernier évoque la naissance et le travail d’une locomotive, ses rapports avec le mécanicien.
- Un dessin animé publicitaire en couleur, Week-end, qui relate les envies d’évasion de deux petits personnages aux prises avec les promesses de la carte promotionnelle « Week-end ».
- Deux courts-métrages touristiques, Champagne (musique Henri Casadesus) et Provence (réalisation J.C. Bernard).
Signalons encore parmi les autres films proposés aux visiteurs de l’Exposition, les documentaire Symphonie normande (musique Henri Casadesus), tourné en 1935, Bourgogne et Bretagne, réalisés en 1936 par Jean Epstein.
On aurait pu y adjoindre Au pays des cheminots, film de J. Vario, produit par Atlantic-Film en 1934, qui « nous fait faire un voyage complet sur une locomotive et nous fait visiter les coins secrets, interdits au public […]. On a bien fait, en plus de l’intérêt qu’il suscite, d’écrire en images ce bel éloge à la conscience professionnelle de nos admirables cheminots » (Hebdo-film, 29 septembre 1934).
La Bête humaine de Jean Renoir (1938), la caution syndicale
La Roue d’Abel Gance avait provoqué à sa sortie en 1922 l’ire des syndicats. Ils se montrent curieusement plus cléments vis-à-vis du film de Jean Renoir, La Bête humaine, présenté en 1938. Si une frange de la corporation s’insurge, elle y met les formes. C’est le cas du journal des cheminots, Notre Métier, édité par la SNCF : « La critique a salué la naissance de "La Bête humaine" comme celle d’un grand film et nous aurions mauvaise de ne pas approuver son opinion ; cependant, reconnaissons que des lecteurs de Notre Métier ont pu s’alarmer avec juste raison. C’est avec un étonnement mêlé de gêne qu’ils ont vu surgir sur l’écran ce milieu ferroviaire irréel, ne répondant en rien à leur vie quotidienne. Lorsque l’on sait combien est sévère le contrôle médical pour les agents de chemin de fer, qu’on connaît la vie familiale parfaite qui règne chez nous, et l’œuvre de nos services sociaux, on ne peut que protester en face d’un tel spectacle. » La suite est moins sévère. A la question de savoir pourquoi Renoir a choisi cette œuvre de Zola plutôt qu’une autre, il répond : « C’est sans doute parce que tout ce qui touche au rail est étonnamment spectaculaire. Que notre profession intéresse à ce point, voilà qui est, certes, plus flatteur pour nous que l’argument du film. Soyons d’ailleurs bien tranquilles : le grand public lui-même connaît assez les cheminots pour savoir que leur vie est faite de discipline, de conscience professionnelle et de probité morale » (Notre Métier, n° 7, 15 mai 1939).
Mieux, en dépit des entorses faites à la réalité du quotidien des cheminots, la Fédération des travailleurs des chemins de fer, n’hésite pas à apporter sa caution à l’œuvre de Renoir. Le 12 mars 1939, elle organise une projection au théâtre de la Madeleine à laquelle les représentants des syndicats de cheminots de Paris sont conviés. A la fin du film, Pierre Semard prononce une courte allocution avant de remettre à Jean Gabin un diplôme de mécanicien d’honneur agrémenté d’une burette symbolique, lequel fait don, en retour, d’une somme de 10 000 francs en faveur de l’Orphelinat national des chemins de fer (17). Cette mansuétude est le résultat de la coopération étroite qui a prévalu durant toute le tournage entre la Fédération et Renoir, coopération que ce dernier a tenu à préciser dans un article paru dans La Tribune des cheminots à la fin de l’été 1938 : « Voici quinze jours […] que nous travaillons dans la gare du Havre, grâce à la complaisance des agents du réseau. Non seulement ils nous tolèrent […], mais encore ils nous aident de leurs conseils. Grâce à eux, nous avons l’espoir de faire un film que les cheminots ne désavoueront pas. Pas un geste, pas un fait qui ne soit passé au crible par la critique amicale de ces collaborateurs bénévoles. Et tout cela, de leur part, sans autre intérêt que celui de voir à l’écran une représentation de leur profession qui ne soit ni ridicule ni inexacte » (La Tribune des Cheminots, 19 septembre 1938).
Il est vrai, qu’un an plus tôt, la Fédération avait proposé au grand public son propre film : Sur les routes d’acier, réalisé par Boris Peskine. Après un historique consacré au développement du chemin de fer en France, le film évoque son rôle économique et social avec des éclairages sur quelques aspects plus techniques (triage, pose de voies, poste d’aiguillage, conduite d’une locomotive à vapeur), la naissance de la SNCF, sans oublier le poids syndical de la Fédération au sein de la profession (18). Présenté au théâtre Pigalle par Pierre Sémard en novembre 1937, il est salué comme il se doit par Ce soir – le quotidien français du soir créé par le Parti communiste en 1937, et dirigé par les écrivains Louis Aragon et Jean-Richard Bloch. Qualifié de « bon documentaire », il est présenté comme « une intéressante initiative que d’autres fédérations de la GGT seront sans doute tentée d’imiter » (Ce soir, 16 novembre 1937). De fait, dès 1938, la presse fait écho du tournage, avec la collaboration du même Peskine, d’un film pour le syndicat des métaux de la région parisienne portant sur le travail du métallo.
Trains expo en guerre
Pendant la guerre, la SNCF est conduite à apporter sa contribution à l’instruction des masses. Elle participe ainsi à l’organisation de deux trains appelés à circuler dans tout ou partie de la France. Le premier, mis en route en 1939, est consacré aux moyens de défense passive de la SNCF. En effet, si les mesures prises par l’entreprise pour protéger son trafic contre le danger aérien restent secrètes, celles concernant le personnel et leur famille – au même titre d’ailleurs que le grand public – doivent être largement diffusées. Prolongation de l’exposition de la Sécurité tenue sur le même thème dans les locaux de l’ancienne gare des Invalides et sur une partie de l’Esplanade (du 15 au 25 juin) (19), le train, organisé par la Région de l’Est, est inauguré en gare de l’Est le 1er juillet 1939. Il se limite à une voiture-exposition et un wagon-cinéma. Celui-ci propose des films de propagande au premier rang desquels le court métrage Alerte ! Réalisé en 1936 par Alexandre Ryder, sous le patronage (prémonitoire) du maréchal Pétain, il montre les moyens de lutte à mettre en œuvre dès l’appel des sirènes en cas de bombardements aériens. Plus de 10 000 visiteurs se sont pressés autour du train jusqu’à son départ pour une tournée dans l’Est de la France (du 7 juillet au 30 septembre). Un train similaire est mis sur pieds en 1940 par la Région du Nord. Présent en gare du Nord à partir du 19 février 1940, il entreprend une nouvelle tournée une semaine plus tard. Il est encore signalé à Montdidier, dans la Somme, le 8 mai, soit deux jours avant l’invasion allemande.
Le second train est dédié à la Croix-Rouge française. Initialement limité à deux wagons de la section cinématographique obligeamment prêtés par la SNCF, il stationne en gare de Saint-Lazare à partir du mois de juin 1943 : « La première des voitures, accotée au quai d’arrivé, contient l’appareil de prise de vues et les dépendances nécessaires aux opérateurs. La seconde a été ingénieusement transformée en salle de projection. Devant le petit écran, des sièges avec strapontins ont été installés. On peut dire qu’il n’y a pas un centimètre carré inutilisé car, en cet espace relativement restreint, on a réussi ce tour de force de disposer 70 sièges. Ce qui équivaut à chaque séance, avec les spectateurs debout, à une assistance d’environ 150 personnes et même parfois plus. » Au programme, un documentaire sur la vie en montagne, un autre sur l’œuvre de la Croix-Rouge française. L’affluence est telle qu’il faut faire la queue : « On attend patiemment que le wagon-cinéma se vide de ses spectateurs pour pouvoir entrer à son tour. Un jeune homme remplit les fonctions de placeur avec beaucoup de sérieux. Il est surtout arrivé, avec l’entrainement, à caser un nombre toujours plus considérable de gens dans sa petite salle sur roues » (Le Journal, 29 juin 1943). La séance est gratuite, les spectateurs étant simplement invités à donner ce qu’ils veulent. Complété par trois wagons d’exposition, le train est inauguré le 13 juillet 1943 sous le patronage du secrétariat à la Santé publique. Il s’élance dès le lendemain pour un périple à travers quatorze départements, avec Etampes et Gien pour premières étapes. Vichy, Gannat, Royat, Aurillac, Chalon-sur-Saône, Beaune sont parmi les autres villes visitée. Les projections intègrent désormais le film d’actualité consacré au train de secours du SIPEG. De retour à Paris, le train stationne en gare de Saint-Saint-Lazare du 17 au 28 septembre avant de reprendre sa route. Dans son édition du 7 mars 1944, L’Ouest-Eclair fait état de l’inauguration en gare de Saint-Lazare d’un nouveau wagon-cinéma de la Croix-Rouge, lequel, après un séjour de quatre semaines dans la capitale, devrait être accroché au train de l’organisation en question pour un voyage circulaire d’une durée de trois mois à partir du 1er avril, passant notamment par Saumur, Saint-Jean d’Angely , Mont-de-Marsan, Albi, Gap, Briançon Aix-les-Bains, Evian, Bourg, Lons-le-Saunier. Aucune autre information filtre à son sujet.
Création d’une Section cinématographique au sein de la SNCF (1942)
C’est en 1942 que la SNCF se dote d’une Section cinématographique. Le maître d’œuvre en est le directeur du Service central des Installations fixes, M. Porchez, lequel agit à la demande du Service central du Personnel. Porchez informe la Direction générale de cette création par lettre du 26 février. Sa mission sera, précise-t-il en préambule, « de grouper et de développer la documentation cinématographique existant dans les diverses Régions en ce qui concerne notamment la prévention des accidents, les questions sociales ainsi que la formation technique et professionnelle des agents ». Elle comportera une section centrale basée à Saint-Ouen et des sections régionales correspondant à chacune des Régions Est, Nord, Ouest, Sud-Ouest et Sud-Est. A la section centrale (15 agents) incombera, outre les questions administratives et la gestion de la cinémathèque, l’étude de toutes les questions techniques relatives aux installations cinématographiques et aux scénarios. Les sections régionales (36 agents) s’occuperont plus spécialement de la projection des films et de l’organisation des tournées dans les Régions. Pour ce faire, chaque Région disposera d’un wagon-cinéma équipé d’un poste double sonore (20) et d’un appareil portatif pour les projections en salle. L’organisation proposée, poursuit Porchez, constitue « une formule de début ». Il insiste sur le fait que la SNCF se limitera, en première étape, à assurer des projections, les prises de vues étant confiées à l’industrie privée. « il est probable, toutefois, conclut-il, que dans peu d’années, l’extension de l’éducation par le film nécessitera une augmentation sensible des effectifs affectés à cette Section cinématographique et des moyens mis à la disposition des Régions. » La Direction générale approuve ce programme par lettre du 5 mars 1942.
En mars 1943, la Section cinématographique est scindée en deux Sections centrales cinématographiques, l’une rattachée au laboratoire de Saint-Ouen (c’est-à-dire aux Installations fixes avec à sa tête Henri Jolif) qui commence timidement quelques prises de vues, l’autre aux Services sociaux (Direction du Personnel) qui s’occupe de gérer la cinémathèque. Enfin, en novembre 1945, les sections régionales sont intégrées aux Services sociaux, s’éloignant, par là même, de Saint-Ouen. Louis Armand impose la réunion des deux sections en septembre 1953 au sein de la Section centrale cinématographique (SCC) de Saint-Ouen (21).
Un wagon-cinéma pour chaque Région SNCF (1942), la consécration de P’tit Louis
Si l’on se réfère à la presse – « Et voici le wagon-cinéma… à l’usage des cheminots » (Le Journal, 18 février 1942), « Anticipation ou le double voyage : le wagon-cinéma » (Paris-soir, 18 février 1942) – l’équipement des régions en wagons-cinéma aurait précédé la création officielle de la section cinématographique.
Les similitudes des articles de presse consacrés à ces matériels donne à penser que nous sommes ici en présence d’une opération de propagande : « Les wagons transformés étaient jadis des restaurants. Ce sont maintenant de petites salles de spectacle sur roues. A chaque extrémité, l’écran de 1 m 30 x 1, 50 m et la cabine de projection entièrement métallique se font vis-à-vis. De confortables fauteuils de moleskine – 66 places – les garnissent. Elles sont dotés d’un système d’alimentation électrique permettant le branchement sur le secteur d’un groupe électrogène, enfin d’une batterie d’accumulateurs de secours si les deux procédés venaient à manquer. L’un des opérateurs loge près de ses appareils, les deux autres dans un wagon-couchettes aménagé qui, avec son bureau, ses cabines, ses magasins, suit le cinéma comme un fidèle serviteur. » Empruntant les convois de passage, chacun des wagons se déplace d’un point à un autre : « De voie de garage en voie de garage, il repasse inlassablement, pour les cheminots seuls, 1 500 mètres de pellicule en séances de 50 minutes » (Paris-soir).
L
e sujet traité ? La sécurité. En 1941, la SNCF a déploré 36 308 accidents, dont 264 mortels, qui auraient pu être évités pour plus de la moitié. Le cinéma vient en compléments des mesures déjà adoptées : brochures, tracts, causeries, etc. Le film proposé ? La circulation et les manœuvres, réalisé en 1936 sous la direction de Paul Abraham, ingénieur au Nord, qui nous invite à suivre les premiers pas de Pierre, nouvel embauché, sous l’autorité de son cousin Louis, brigadier de manutention (22). Le journal Le Jour du 12 mars 1942 publie le compte-rendu qu’en a fait son chroniqueur Alain Bernard, invité à suivre une projection en gare de Vichy, sous le titre évocateur de « André le bon agent et P’tit Louis l’imprudent ». Curieusement, les rôles ont été ici inversés : Pierre (rebaptisé André) endosse le rôle de l’agent formateur et Louis (dit P’tit Louis) celui de l’apprenti : « Et voici que sur l’écran défilent les images de la vie quotidienne d’un cheminot – de deux plus exactement, celui qui fait bien, celui qui fait mal. Ce film fait penser à ce livre d’enfants : Le bon Toto et le méchant Tom où l’on voit Toto qui mange sa soupe en souriant et Tom qui pleure, trépigne et, finalement, se brûle en renversant son bol ! Là, nous voyons André, le bon agent, et P’tit Louis, l’imprudent. Il arrive naturellement mille mésaventures à P’tit Louis, qui manque de se faire écraser entre deux wagons, se coince le pied dans les rails, s’endort sur un tampon, etc. Il est chaque fois sauvé par André et, finalement, se rend compte que la prudence est la mère de la sûreté et devient, lui aussi, un cheminot modèle. Ce film, fort bien fait, et uniquement tourné par des agents de la SNCF montre mieux qu’un long discours les dangers que l’on court en ne se conformant pas aux prescriptions. » En fait d’agents de la SNCF, il s’agit ici de cheminots de la Compagnie du Nord évoluant dans les emprises de la gare de Persan-Beaumont (ancienne Seine-et-Oise).
La Revue générale des chemins de fer réserve une page à l’apparition des voitures-cinéma en 1942 (M. Becq, « Le cinéma au chemin de fer », RGCF, septembre 1942, p. 262). L’accent est mis sur la dernière-née, mise en circulation pour le compte de la Région du Sud-Est : un ancien wagon de la CIWL à caisse en bois sur bogies à trois essieux. « Ce wagon, modifié par les Ateliers de Villeneuve et entré en circulation le 16 février dernier, peut être considéré comme un modèle du genre. Il comporte 66 places confortables avec sièges en tube et moleskine, planché incliné protégé par linoléum . l’écran perforé masquant les haut-parleurs est bien dégagé. La salle est desservie par deux grandes portes latérales, avec escaliers amovibles. La toiture à lanterneaux assure, lorsque la salle est occupée, un rendement acoustique très satisfaisant et une excellente visibilité . » Le wagon est couplé à une voiture annexe issue du réaménagement d’une A2B7. Le premier des cinq compartiments obtenus abrite le local réservé au stockage des films et à l’entretien et au dépannage du matériel ; le second, le groupe électrogène pour la recharge des accumulateurs destinés à pallier la défaillance hypothétique de l’alimentation en courant par la gare ; le troisième, un réfectoire et un bureau ; les deux derniers, le logement du personnel d’accompagnement.
Les wagons-cinéma ont exécuté, durant la période allant du 16 février au 9 juin 1942, 2 059 séances de projection. Ces séances, d’une durée de 50 min à 1 h 40, ont permis d’atteindre 107 874 agents.
Essais (1942), Poste n° 1 (1942), Ceux du rail (1943)
La création de la Section cinématographique n’est sans doute pas étrangère à la décision prise par le conseil d’administration de la SNCF, dans sa séance du 29 avril 1942, d’éditer, à l’exemple des anciens Réseaux, un film destiné au grand public. Rédigée par Paul Marois, le directeur du Service commercial, la note préparatoire à la décision spécifie que la priorité doit être donnée aux documentaires techniques : « Actuellement la propagande touristique est sans objet et l’édition de films à cette fin ne serait d’aucuns intérêts. Mais c’est un fait d’expérience que le public montre de plus en plus un goût marqué pour les questions techniques et, lors de l’Exposition de "La France Européenne" [ouverte au Grand Palais le 1er juin 1941], certains films sur l’Industrie et l’Artisanat ont suscité un très vif intérêt. Il y a là, pour la SNCF, un champ d’action publicitaire qui pourrait consister à montrer au public les derniers progrès de la technique du Chemin de fer ». Marois propose donc de réaliser un film de vulgarisation de 600 mètres sonore et parlant (incluant de nombreux dessins animés) qui porterait sur le banc d’essais de Vitry et sur les essais en ligne. Sa production et distribution serait assurée par la société « Les Films Jean Mineur », et sa réalisation confiée à Marc Cantagrel, déjà auteur, en 1934, d’un film muet sur le même sujet pour le compte des Grands Réseaux. Le documentaire sort début 1944 sous le titre Essais (23), souligné comme il se doit par la critique cinématographique : « La prise de vue est extrêmement soignée, et la technique, avec des variations de plans , des changement d’incidence, une variété d’éclairages est très savante. Remarquables schémas animés. Le commentaire est bref et précis. » Seul bémol, l’objectif de la SNCF qui était de toucher un large public ne semble pas avoir été atteint : « Ce film de spécialiste s’adresse spécialement aux ingénieurs et aux techniciens » (Le Film, 5 février 1944). Jugement sévère vis-à-vis de Cantagrel qui est considéré à l’époque comme l’un des maîtres, sinon le maître, des films éducatifs, loué pour son recours systématique aux dessins d’animation. De fait, professeur de chimie appliquée à l’Ecole supérieure de commerce, il est l’initiateur de la Cinémathèque des écoles d’enseignement commercial supérieur et du Centre de réalisation de films scientifiques du Conservatoire des Arts et Métiers, il produit plusieurs autres documentaires pour le compte des Réseaux, tels L’organisation du travail des ateliers de la Compagnie générale de construction et d’entretien du matériel de chemin de fer (1932), Le frein Westinghouse ou encore Psychotechnique.
En dépit des freins imposés par l’Occupation, la SNCF parvient à financer quelques réalisations en conformité avec la volonté affichée par Le Besnerais de soutenir, à l’exemple du précédent projet, d’autres films portant sur les différents aspects du chemin de fer, à savoir la voie (et les questions annexes s’y rapportant, telles l’électrification, les méthodes modernes d’entretien, la signalisation, etc.), les matériels roulants (locomotives, voitures, entretiens), l’exploitation (triages, régulation, transports locaux, transports porte à porte), sans oublier le personnel (vie d’un apprenti, d’un mécanicien, la psychotechnique, l’action sociale). La presse spécialisée signale quelques productions. Il en est ainsi de Poste n° 1, réalisé en 1942 par Pierre Ramelot, qui a pour ambition de suivre les péripéties d’un train de voyageurs entre Paris et Dijon : « Toute la partie technique – signalisation, aiguillage, code du rail – a été supervisée par des ingénieurs de la SNCF. Avec Poste n° 1 nous saurons comment un train prend du retard et le rattrape, comment les catastrophes sont évitées, comment la marche du rapide est, à chaque minute, contrôlée et surveillée des postes centraux qui le prennent en relais » (Cœmedia, 23 mai 1942). Pour ses prises de vues, Ramelot a disposé d’un wagon-restaurant attelé à un train de marchandises et d’un accès aux postes de commande de Paris-Lyon, Montereau, Laroche et Dijon.
Comme nous l’avons évoqué plus haut, René Clément a également tourné deux documentaires pour le compte de la SNCF, Triage en 1940 et Ceux du Rail en 1943. Ce dernier se veut une évocation de la détermination d’un mécanicien et de son chauffeur (en l’occurrence Blanchet et Buisson, deux « vrais » cheminots du dépôt de Nice) de faire l’heure malgré les intempéries qu’ils rencontrent. Âgé de 29 ans, Clément est alors membre du Centre artistique et technique des jeunes du cinéma qui, bien qu’officiellement créé en mars 1941 sous l’égide du secrétariat d’État à l’Education nationale et à la Jeunesse, a pour raison cachée d’affranchir la création cinématographique de la censure allemande. Rapidement transféré de Cannes à Nice, le CATJC, outre les cours professés aux futurs réalisateurs et techniciens (dont beaucoup y voyaient un moyen d’échapper au STO), produit des courts-métrages. C’est dans ce cadre que Clément fait appel comme chef opérateur à Henri Alekan (1909-2001), membre-fondateur du CATJC. D’obédience communiste, ce dernier fait partie du groupe de résistance « Quatorze Juillet ». A ce titre, il profite du tournage de Ceux du rail pour filmer clandestinement les fortifications que les Allemands commençaient à construire le long de la Méditerranée, images transmise à Londres via l’Espagne : « Pendant, témoignera-t-il, que toute l’équipe rentrait le soir de Toulon à Marseille dans notre train spécial (qui était seulement constitué d’une locomotive et de trois wagons), et sous la surveillance d’un officier italien, je prétendais toujours que je préférais rester sur la machine : je restais ainsi camouflé par le mécanicien pour pouvoir filmer ce qui se présentait, avec une petite caméra automatique que je cachais lorsqu’on passait en gare (24) ». Assistant opérateur, Charles Jourdanet précise dans ses souvenirs que l’essentiel du tournage se tint, en décembre 1942 et janvier 1943, au dépôt de Saint-Roch, à Nice ; qu’à part quelques voyages jusqu’à Marseille, l’équipe dut se contenter du parcours Nice-Les Arcs ; que si la caméra fut successivement fixée sous et à l’avant de la locomotive, à hauteur des bielles et sur le tender (dans ce dernier cas, à l’approche de chaque pont ou tunnel, un large coup de sifflet intimait l’ordre aux opérateurs d’abaisser le trépied et de se coucher). Il confirme l’accident de René Clément et les prises de vues clandestines d’Alekan entre Golfe-Juan et Saint-Raphaël, facilitées par l’attitude de leurs « anges gardiens » italiens « qui n’appréciaient pas trop la locomotive et son charbon » (25).
Suivant de peu Ceux du rail, apparaît sur les écrans, en février 1944, Pilotes du rail qui, sur le même thème, suit le travail d’une équipe de conduite vapeur sur la ligne Narbonne-Perpignan, à bord d’une Pacific présentée dans le film comme la 231 E 103 (26).
La SNCF derrière la caméra (1945)
Au sortir de la guerre, chacun reconnaît que le cinéma est un instrument d’information et d’instruction fréquemment sollicité par les différents services de la SNCF. Il apparaît cependant que les films disponibles, réalisés pour l’essentiel par des firmes privées, ne reflètent pas toujours la réalité du monde ferroviaire. D’où la décision de confier leur réalisation à la Section centrale cinématographique (SCC) de Saint-Ouen. Celle-ci bénéficie de toute l’attention de Louis Armand, qui, avant même sa nomination à la direction de la SNCF en 1949, s’intéresse personnellement à son travail et intervient afin qu’elle puisse disposer des moyens nécessaires à son développement. L’aventure commence sous la direction de Lucien Censier (ingénieur à l’atelier de reprographie de Saint-Ouen, nommé en juin 1945) avec deux opérateurs et une seule caméra. Leur mission, prendre des vues à travers la France entière afin de témoigner de la destruction du réseau. En 1946, huit opérateurs sont à pieds d’œuvre, le montage des bandes étant assuré à Saint-Ouen par d’autres cheminots sous la direction éclairée d’André Périé, ancien reporteur-cinéaste pour les Actualités Françaises (groupe Gaumont). Ce dernier participe entre 1945 et 1975 – sous la direction de L. Censier jusqu’en 1969, puis de Georges Ragot – à la majorité des films produits par la SCC avec le statut de stagiaire car trop âgé pour être régularisé au cadre permanent, situation ubuesque qui lui a coûté sa retraite de cheminot.
Les images d’archives emmagasinées depuis 1944 permettent à la SCC de tourner et monter dès 1946 ses premiers documentaires, pour l’essentiel consacrés à la reconstruction du réseau. Quelques-uns se focalisent sur un évènement précis telle la réédification provisoire du Pont de Chalampé (1946) et du Viaduc de Caronte (1947), qui suivent le court-métrage commandé à Cantagrel sur le rétablissement du viaduc de Chaumont En quarante-neuf jours (1945). D’autres se veulent plus ambitieux à l’exemple de Au service de la France (1946) qui témoigne de la remise en état des dépôts et ateliers de la Région du Nord ou de Renaissance du Rail (1948) qui aborde la reconstruction des chemins de fer français. Dans un registre différent citons le documentaire 2-D-2 (1946) qui, mettant en scène la 5550, aborde la question de l’électrification sur un commentaire André Gache, délégué à cet effet par l’Association française des amis des chemins de fer (AFAC) (27).
Si ces films ne sont pas exploités commercialement en France (seuls Renaissance du rail a été diffusés en salles), ils ne sont pas moins consacré par le succès. Demandés officiellement pour montrer l’effort de redressement du pays, ils sont applaudis aux festivals de Cannes, de Locarno et de Venise (28).
Parallèlement, l’accent est mis sur les films d’étude et d’expérimentation, pour la majorité tournés au ralenti : Essais de traction à grande vitesse (étude du comportement du pantographe à plus de 160 km/h) ; Utilisation du quartz dans les mesures ; Essais de rupture sur les pylônes de transport d’énergie électrique à haute tension ; Essais d’enrayages avec différents types de sabots de frein. D’autres réalisations participent à l’instruction du personnel : Sécurité avant tout (prévention des accidents pour les agents de la Voie, 1947 (29) ; Travail ambidextre (travail des deux mains appliqué aux apprentis), La méthode des temps élémentaires (travail de tour chronométré et préparé à l’avance, 1948) ; Signal d’alarme (le dépistage de la tuberculose à la SNCF par les trains radiologiques).
Citons encore le Magazine du Rail qui, de 1947 à 1955, regroupe, sous la forme d’une bande d’une quinzaine de minutes chacune, un certain nombre de sujets d’actualité. Ces montages, objets de seize numéros tous réalisés par André Périé, sont diffusés uniquement en interne.
Produire des films c’est bien, en faire profiter les cheminots c’est mieux. Ce rôle échoit à la Section cinématographique du Service social qui dispose en 1946 d’une cinémathèque de quelques 600 films, ferroviaires mais aussi récréatifs, tant sonores que muets. Distribués à Paris et en province, ils sont projetés par les opérateurs des antennes régionales de la SCC (aidés d’auxiliaires, et parfois de moniteurs d’Éducation physique, formés pour l’occasion afin de pouvoir répondre à la demande), dans des salles adéquates mises à disposition par la SNCF. En l’absence de structures appropriés, on recourt aux 12 voitures-cinéma dont disposent alors le parc SNCF, aménagées à partir d’anciens wagons US de 1917-18, d’anciennes voitures postales en bois, et même d’une des premières automotrices Renault à essence privée de son moteur. En 1946, 4 724 séances rassemblent 565 321 spectateurs (30).
La Bataille du rail (1946)
A la Libération, Henri Alekan participe à la création de la Coopérative générale du Cinéma français (CGCF), une émanation du Comité de libération du cinéma français (CLCF). Influencé par la mouvance communiste, ce groupement professionnel, qui rassemble différents réseaux impliqués dans la lutte contre l’occupant, entend contrôler toutes les productions relatives à la Résistance et aux prisonniers retenus en Allemagne. Alekan est aussi l’adjoint du résistant et réalisateur Alain Michel, placé à la tête du service cinématographique de la Commission militaire nationale (CMN), chargée par le Conseil national de la Résistance (CNR) d’ « intensifier l’effort de guerre afin d’assurer au plus vite la libération totale du sol français ». L’ambition de Michel est de financer plusieurs films touchant à la Résistance. Il est ainsi à l’origine de La Bataille du rail en incitant, à l’automne 1944, la CGCF à entreprendre un court-métrage portant sur l’action des cheminots du groupe « Résistance-Fer », rejoignant en cela un projet identique porté par la SNCF. Les trois protagonistes s’entendent et signent le 7 février 1945 un accord qui répartit les apports et les tâches de chacun. Le financement est assuré pat le CNR et Résistance-Fer, la SNCF fournissant les hommes, le matériel ferroviaire et une assistance technique. Il est également stipulé que la réalisation du film serait confiée à la CGCF. Reste à désigner le metteur en scène. Michel s’étant désisté, Alekan avance le nom de René Clément, officiellement retenu à l’issue d’une projection du film Ceux du Rail, garant de ses compétences cinématographiques (31). Et c’est tout naturellement que ce dernier reconduit Alekan dans ses fonctions de chef opérateur. Sorti en 1946, La Bataille du rail reçoit le Prix du jury international et le Prix de la mise en scène du Festival de Cannes.
Une autre personne est associée à la réalisation de la Bataille du rail : André Delage (1898-1993). Cheminot, il est employé avant-guerre au service dit des « tamponnements de Rochefort », chargé de contrôler la résistance aux chocs et à l’usure des trains, rails et autre matériel. Féru de photo et de cinéma, Delage réalise alors, entre autres, un film sur les mouvements des bielles d’une locomotive à l’aide d’une caméra se déplaçant en travelling. Membre de la Résistance (mouvement « Les Ardents »), il est retenu pour concevoir une partie de l’exposition-hommage aux FFI organisée en février 1945 au Palais Berlitz, boulevard des Italiens, réservant pas moins de sept panneaux au « réseau » Résistance-Fer. Cette organisation le charge ensuite, dans le cadre du tournage de la Bataille du rail, de la représenter tant auprès de la CLCF (gestion de sa participation financière au film) que sur le terrain (supervision de l’ensemble des opérations techniques). A ce dernier titre, il joue un rôle primordial dans l’exécution de la scène spectaculaire du déraillement du train blindé allemand, lancé à 70 km/h sur la ligne Paris-Brest près de Trégrom (Côtes-du-Nord).
La première voiture-cinéma opérant en ligne (1946)
C’est outre-Atlantique, à la veille de Première Guerre mondiale, que sont signalées les premières circulations de wagons-cinéma s’adressant au grand public. En Europe, la première expérimentation est menée en 1924 par le London and North Eastern Railway à bord du célèbre Flying Scotsman (pour une exploitation régulière à partir de 1935). En France, une rumeur transpire en 1916 sur la mise à l’étude par nos chemins de fer d’un tel matériel « pour après la guerre ». Si la démarche ne se concrétise pas, on attribue à Dautry l’initiative, en 1924, d’une première projection en marche entre Lille et Dunkerque : présentation à ses cadres du documentaire Substitution des voies. Un essai de projection sonore en marche est encore exécuté en 1935, avec succès. Il faut cependant attendre 1946 pour qu’une voiture-cinéma soit en mesure d’assurer la projection en marche, aménagée à partir d’une ancienne voiture lits-salon PLM de 1925. Initialement utilisée pour la présentation de films ferroviaires et industriels dans les foires commerciales et dans les expositions françaises et étrangères, elle est incorporée à partir de 1953 dans quelques trains spéciaux mis en marche pour des voyages officiels (inauguration du barrage de Tignes par le président Vincent Auriol en juillet 1953), voyages d’inauguration, d’installations SNCF ou privées. Garée en raison de sa vitesse limitée à 120 km/h et de son aspect vétuste, son remplacement est décidée en 1961. Sa descendante, la Su 204,, aménagée par les ateliers SNCF du Mans à partir du chaudron neuf d’une voitures-lits MU, est présentée en gare de Paris-Saint-Lazare le 13 juin 1966. Elle offre 76 places disposées en rangées de quatre spectateurs. Sa première utilisation officielle en ligne date des 18 et 19 juin : incorporation au train spécial mis en marche à l’occasion du Congrès de l’Association internationale du congrès des chemins de fer (AICCF) sur le parcours Paris-Lyon–Aix-les-Bains–Annecy et retour, au cours duquel sont projetés des films touristiques sonorisés en trois langues. Elle est notamment incorporées entre 1977 et 1981 aux trains croisière (créés par la SNCF via son agence Vacances 2000) qui, sous le nom d’Azur 2000 et d’Alpes 2000 circulent les fins de semaine, le premier entre Paris-Nice et Menton, le second entre Paris-Bourg-Saint-Maurice/Saint-Gervais. Deux autres voitures-cinéma sont livrées en 1979 : la voiture Spéciale Conférence-Cinéma (SCC) n° 065 – 56 places dont 14 strapontins – et la voiture Spéciale Audio-Visuelle SAV n° 067 – 42 fauteuils munis de tablettes escamotables et d’écouteurs – provenant d’anciennes voitures-restaurant rouges (ex-n° 03 et 28).
Notes :
(1) Collections CNC : http://www.cnc-aff.fr/internet_cnc/Internet/ARemplir/Parcours/Collections/accueil.html. L’Association Sauvegarde Petite Ceinture (ASPCRF) a mis en ligne quelques-uns de ces films dans sa page « Courts métrages de la Belle Époque (1896-1914 » : https://www.petiteceinture.org/Courts-metrages-de-la-Belle-Epoque-1896-1914.html.
(2) ANMT, Syndicat des chemins de fer de Ceinture (1851-1937), 75 AQ 31, Comité d’exploitation, 1912-1916, PV du 24 février 1914.
(3) Félix Mesguich, Tours de manivelle. Souvenirs d’un chasseur d’images, Grasset, 1933.
(4) L’entreprise est soutenue par les frères Lumière qui fournissent tous les films et par plusieurs villes d’eau qui, à l’exemple des compagnies ferroviaires, versent leur obole.
(5) Emmanuelle Toulet, « Le cinéma à l’Exposition universelle de 1900 », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, 1986 33-2, p. 179-209.
(7) Bruno Carrière, « La Roue d’Abel Gance », La Vie du Rail, n° 2260, 13 septembre 1990, p. 45-48. Michel Ionascu, Cheminots et cinéma. La représentation d’un groupe social dans le cinéma et l’audiovisuel français, L’Harmattan, 2001.
(8) Paul Faralicq prend en 1924 la direction de la Société Française de Transports et Entrepôts Frigorifiques (STEF) dont le PLM est l’actionnaire majoritaire.
(9) Agence commune au PO et au Midi, à l’angle du boulevard des Capucines et de la rue Edouard VII.
(10) L’Essor des cheminots, n° 70, janvier 1934 (organe des cheminots unitaires du 1er secteur du Réseau Est). Archives CGT IHS cheminots.
(11) Le Pacific 231 d’Arroy ne doit pas être confondu avec le Pacific 231 de Jean Mitry qui, sorti en 1949, met en scène la 231 E 24 Chapelon sur Paris-Lille.
(12) E. Doubrère, inspecteur général à la SNCF, « Chemin de fer et cinéma », L’Année ferroviaire, Plon, 1950, p. 45-54.
(13) R. Ford installe, entre 1931 et 1937, date de sa mort prématurée, plus de vingt Cinéac à travers l’Europe ; en France à Paris, Marseille, Lille, Nice, Strasbourg, Toulouse.
(14) Shahram Hosseinabadi, Une histoire architecturale de cinémas. Genèse et métamorphoses de l'architecture cinématographique à Paris, thèse de doctorat soutenue le 19 septembre 2012, Université de Strasbourg. Disponible en ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01249521/document
(15) Anthony Goissaud, « Cinéac Le Journal à la gare Montparnasse », La Construction moderne, n° 9, 26 novembre 1933, p. 131-136.
(16) En 1936, Etienne Nadoux réalise pour le PLM un « reportage filmé » : Les Routes d’acier. Ce documentaire met en valeur les personnels qui concourent d’une manière ou d’une autre à la bonne marche d’un train entre Paris à Marseille. A ne pas confondre avec Sur les routes d’acier de Boris Peskine tourné en 1937.
(17) Précisons à la décharge de Jean Gabin et de Julien Carette (son chauffeur) qu’ils ont passé des semaines à se former à la conduite d’une locomotive.
(18) Le film est visible sur le site de l’IHS Cheminots :. https://archives.cheminotcgt.fr/fonds-collections/item/1333-sur-les-routes-d-acier-1938?offset=1. L’Ouvrage L’Ecran rouge, Syndicalisme et cinéma de Gabin à Belmondo (collectif sous la directionde Tangui Perron, Editions de l’Atelier, 2018) lui consacre plusieurs pages. Voir aussi le numéro « Spécial cinéma » des Cahiers de l’Institut, n° 57, 2e trimestre 2016.
(19) Cette exposition est une émanation de la Semaine nationale de Sécurité promue par l’Œuvre pour la Sécurité et l’Organisation des secours. La SNCF y présente un stand qui propose la projection de plusieurs films sur la prévention des accidents et les tests psychotechniques.
(20) A l'époque, la plupart des films sont projetés en bobines de dix minutes. Pour ne pas interrompre la séance, les cabines de cinéma sont équipées d'un double poste de projecteurs qui fonctionnent en alternance.
(21) Georges Ragot, « Cinéma et chemin de fer », Revue d’histoire des chemins de fer, hors-série n° 3, 1992, p. 307-314.
(22) A visionner sur le net : https://www.youtube.com/watch?v=zF8dCk4AUdI
(24) Noël Herp, « Entretien avec Henri Alekan », L’Avant-Scène (La Bataille du rail/René Clément), mai 1995, n° 442, p. 1-2 ; « Henri Alekan, une figure du cinéma », Les Cahiers de l’Institut (IHS Cheminot CGT), n° 57 spécial cinéma, 2e trimestre 2016, p. 15-16. H. Alekan fut jusqu’à sa mort en 2001, le Président d’honneur de l’association des cheminots cinéphiles « Ceux du Rail » (https://ceuxdurail.weebly.com/).
(25) Alban François, « Ceux du rail », L’Avant-Scène, ibid, p. 79-80.
(27) Peuvent être visionnés sur le net Au Service de la France (https://www.youtube.com/watch?v=lFW-IL4Reek), Renaissance du rail version 1 (https://www.youtube.com/watch?v=w7YKIeyfMV0) et version 2 http://openarchives.sncf.com/archive/4004), 2-D-2 (https://www.youtube.com/watch?v=4oO-F3UUFOM), Sécurité avant tout (https://www.youtube.com/watch?v=A5iFnmmDEuQ)
(28) Lucien Censier, « Le cinéma à la SNCF », Chemins de fer, n° spécial Noël 1947.
(29) Sécurité avant tout (https://www.youtube.com/watch?v=A5iFnmmDEuQ
(30) « Le cinéma et le Service social sur les chemins de fer », ibid.
(31) Sylvie Lindeperg, Les écrans de l’ombre. La Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français (1944-1969), CNRS Editions, 1997, p. 29-30
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