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SUR LES RAILS DE

L'HISTOIRE

Rails & histoire, l'Association pour l'histoire des chemins de fer vous propose de plonger dans l'histoire des chemins de fer au travers de nombreux domaines (législatifs, techniques, commerciaux etc...).Ces thèmes et dossiers seront amenés à évoluer au fil du temps : regroupements ou nouvelles déclinaisons pour les premiers, enrichissements pour les seconds.

Cheminot et illustrateur : Georges Forgeron (1912-1977)

Bruno Carrière


Lors de notre étude consacrée aux vols de colis perpétrés par les cheminots en 1940-1944 (Les Rails de l’histoire n° 4, avril 2013), nous avions évoqué le concours d’affiches lancé par la SNCF en 1944 auprès de son personnel sur le thème de la « Prévention des vols ». Le lauréat de ce concours, dont les Renseignements hebdomadaires de la SNCF s’étaient fait l’écho, nommé Forgeron, alors aide- contrôleur technique du Service Voie et Bâtiments à Paris-Nord, était présenté comme étant doté « d’un réel sens de la publicité ». Quelques mois après la parution de cette étude, nous avons été contactés par Nicole Forgeron, sa fille, qui se pro- posait de nous confier les archives de son père. L’occasion pour nous de découvrir que l’oeuvre de Georges Forgeron ne s’était pas limitée aux seules affiches présentées lors de ce concours.


Né à Cognac (Charente) le 4 décembre 1912, Georges (*) Forgeron a été élevé par sa mère, son père ayant été tué à l’ennemi le 6 septembre 1914. Titulaire du certificat d’études puis du brevet, il intègre l’École des arts appliqués à l’industrie, rue Dupetit-Thouars à Paris (surnommée les « Arts-A », prononcer Zarza), où il opte pour l’atelier « dessin appliqué aux tissus et papiers peints ». Bien qu’ayant prématurément interrompu sa formation au bout d’un an, c’est dans cette branche qu’il trouve à s’employer avant d’être appelé sous les drapeaux en avril 1934, versé au 6e groupe autonome d’artillerie basé à Saint-Cloud. Le 6e GAA est une unité spécialisée dans le repérage des batteries ennemies au son ou d’après la trajectographie. Georges y est affecté en tant que trompette (musicien, il joue également du violon et du saxophone), ce qui ne l’empêche pas d’être nommé 1er canonnier.

Les quelques photographies de Georges Forgeron en notre possession (ici au premier plan avec sa sacoche) dénotent une jovialité communicative. Loin d’offusquer ses victimes, souvent ses plus proches collègues, ses caricatures étaient au contraire très demandées. Coll. Nicole Forgeron/Rails et histoire.

(*)- Officiellement Albert, mais Georges pour ses amis.


Renvoyé dans ses foyers en juillet 1935, il décide de changer d’orientation professionnelle et, bien que ne possédant aucune accointance cheminote, entreprend d’entrer au chemin de fer. Domicilié alors à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), c’est tout naturellement vers la Compagnie du chemin de fer du Nord qu’il se tourne. Conservé au Centre des archives multirégional SNCF de Béziers, principalement voué à la conservation des archives du personnel, son dossier précise qu’il a passé les tests d’aptitude physique et aptitude technique le 11 janvier 1937. Retenu, il fait ses premières armes au service Matériel et Traction comme expéditionnaire à La Chapelle. Sans doute las de recopier à longueur de temps les courriers destinés à l’expédition, il obtient en février 1939 d’être affecté au service Voie et Bâtiments en tant que calqueur en poste à la gare de Paris-Nord. Sa décision d’intégrer le chemin de fer, qui donne l’assurance d’un emploi stable, n’est sans doute pas étrangère à son mariage, célébré quelques mois plus tard. De son union avec Marthe, sa cadette d’un an, devait naître Jean, en 1938, et Nicole, en 1940.


Mobilisé le 2 septembre 1939, la veille de la déclaration de guerre à l’Allemagne, il est envoyé comme observateur sur les avants de l’ouvrage fortifié de Latiremont, élément de la ligne Maginot situé dans le département de Meurthe-et-Moselle. Durant les quelques mois de la « drôle de guerre », à laquelle la brusque offensive allemande de mai 1940 met fi n, il se fait remarquer pour ses talents artistiques, notamment auprès des officiers, friands de ses statuettes en bois sculpté et de ses portraits. Au service de la communauté, il peint également les décors de la troupe « Zatroa », qui se produit dans le cadre des matinées récréatives de l’ouvrage. Fait prisonnier le 21 juin 1940, il est retenu au « Frontstalag 160 » de Lunéville. Mis en congé de captivité le 27 août 1940 en tant qu’agent de la SNCF, il est officiellement démobilisé le 8 octobre 1941.


Rendu à la vie civile, il poursuit sa carrière au sein de la SNCF. Nommé sous-inspecteur en 1960, il prend sa retraite le 1er mars 1967. Près de trente ans de loyaux services pendant lesquels, outre ses obligations purement professionnelles, il n’a cessé de faire profiter l’entreprise de ses talents artistiques, spontanément ou à la demande de sa hiérarchie. En 1957, il est cité à l’ordre de la SNCF pour avoir participé au sauvetage des victimes d’un train déraillé dont il était lui-même le passager. Il est également titulaire de la médaille de l’ordre du Mérite social (actuel ordre national du Mérite) pour son engagement auprès du Secours National et de la médaille d’argent d’honneur des chemins de fer.


Il décède à Sens (Yonne) le 21 avril 1977, à 65 ans.


Un autre talent développé par Georges Forgeron est la sculpture sur bois et la menuiserie. Il figure notamment au nombre des fournisseurs de la Maison H. Lardy, fabricant de jouets implanté à Dortan, dans l’Ain, puis à Lavancia, dans le Jura. Parmi ses réalisations, la série des « Frigolos », personnages démontables aux combinaisons multiples, à l’origine de produits dérivés tels ces bouchons. Coll. Nicole Forgeron/Rails et histoire.




Après la guerre, Georges Forgeron est très souvent sollicité par sa hiérarchie pour participer aux opérations événementielles et commerciales de la Région du Nord. Ainsi, en novembre 1945, il est à l’origine de l’une des vitrines qui, en gare du Nord, célèbrent le centenaire de la première concession faite à la Compagnie du chemin de fer du Nord. Un journal s’en fait l’écho : « Mais le plus curieux, ce sont des personnages de carton découpés, peints avec autant d’humour que de talent par un cheminot artiste qui a fait revivre en eux d’une façon extrêmement amusante ses collègues de tous les temps dans les uniformes si pittoresques qu’ils ont portés depuis Louis- Philippe, la République de 1848, et le Second Empire jusqu’à nos jours. » Coll. Nicole Forgeron/ Rails et histoire.


Deux exemples de la contribution de Georges Forgeron à la publicité commerciale du réseau : la promotion des carnets de billets banlieue (ci-dessus) et des courts séjours à la mer (ci-contre). Comme bien souvent, les personnages croqués appartiennent à son entourage professionnel direct. Coll. Nicole Forgeron/Rails et histoire.

Une autre production publicitaire se rapporte aux « Plaisirs d’été en Île-de-France ». Cinq « tableaux » aux couleurs vives présentés sous vitrine à la gare du Nord en 1946 et « qui rappellent fort opportunément à tous ceux qui n’ont pas les moyens de faire les frais de vacances de mer, l’existence de plaisirs accessibles aux bourses modestes, à savoir un joyeux dimanche à la campagne en Ile de France » (Notre trafic, septembre 1946). Toute la famille Forgeron est présente sur le tableau reproduit ci-contre : les enfants dans et au pied de l’arbre, le père agrippé à l’appontement, la mère appliquée à nager. Coll. Nicole Forgeron/Rails et histoire.

En juillet 1947, la SNCF participe à la grande Exposition internationale de l’urbanisme et de l’habitation organisée au Grand Palais par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU). Son stand est consacré à l’effort de reconstruction du réseau et au logement des cheminots. On peut y voir notamment une maquette de la cité d’Aulnoye, « une des plus importantes et des plus réussies de l’Exposition, due d’ailleurs au talent d’un cheminot [en l’occurrence Georges Forgeron] ». R. Huchet, « Le stand SNCF à l’Exposition », Le Bâtiment à la SNCF, Revue bimestrielle de l’Association professionnelle des agents des bâtiments de la SNCF, n° 8, nov.-déc. 1947, p. 165.

Les associations cheminotes faisaient également appel à Georges Forgeron. Ci-dessus, une affichette pour la « Famille du cheminot » publiée dans Notre Métier du 13 avril 1948…

La prévention des accidents et le respect des horaires étaient une autre de ses sources d’inspiration.


… et ci-contre l’illustration du livret-guide de l’Association touristique des cheminots édité en 1953. Coll. Nicole Forgeron/Rails et histoire.

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