Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), la SNCF s’identifie désormais au Groupe SNCF, entité recouvrant les cinq branches de son activité (SNCF Infra, SNCF Proximités, SNCF Voyages, SNCF Geodis, Gares & Connexions) et la société holding SNCF Participations qui, depuis 1999, coiffe l’essentiel de ses filiales. Autrefois directement rattachées à la maison-mère ou encore à la SCETA (Société de contrôle et d’exploitation des transports auxiliaires), la plus importante d’entre elles, les filiales, qui jouissaient d’une autonomie certaine, remplissaient des missions annexes, complémentaires, voire concurrentielles, au transport ferroviaire proprement dit. Bien que leurs missions soient toujours les mêmes, ce schéma diffère aujourd’hui par les liens étroits progressivement tissés entre les filiales et les différentes branches d’activité de l’entreprise pour établir entre elles une meilleure synergie. Après avoir retracé ici cette évolution, nous établirons dans un prochain numéro la liste des principales filiales avec leur raison d’être et les dates de leur création et de leur éventuelle disparition.
Bruno Carrière
L’héritage des grands réseaux
Conformément aux dispositions de la convention du 31 août 1937, la SNCF hérite en 1938, sans bourse délier, des filiales et participations financières des domaines publics des compagnies (Nord, Est, PLM, Midi, PO) et des avoirs des deux réseaux de l’État et d’Alsace et de Lorraine. Par ailleurs, l’article 44 de ladite concession donne la possibilité à la SNCF de revendiquer tout ou partie des filiales et participations relevant des domaines privés de ces mêmes compagnies, pour peu qu’elle les « estime nécessaires à l’exploitation du chemin de fer ». Ces transferts devant, cette fois-ci, donner leu à indemnisation, les transactions sont confiées à un « collège arbitral » composé de deux experts désignés, l’un, par la compagnie incriminée, l’autre, par la SNCF, et d’un arbitre nommé par le premier président de la Cour de cassation. En définitive, la SNCF cible ses choix presque exclusivement sur les domaines touchant aux transports frigorifiques, à la production et au transport de l’électricité, aux relations maritimes avec l’Angleterre et à la construction immobilière. Elle renonce par contre aux aspects touristiques et aux intérêts hors métropole des compagnies. Enfin, aux termes de l’article 39, la SNCF entre en possession du patrimoine (avoirs immobiliers essentiellement) des caisses de retraites et des caisses de pensions-accidents des compagnies dont elle assure désormais les destinées.
Plusieurs des entreprises héritées occupant le même créneau d’activités, la SNCF s’empresse de les fondre dans une entité unique afin d’éliminer les doubles emplois. Naissent ainsi deux de ses principales filiales « historiques » :
- la Société française de transports et entrepôts frigorifiques (STEF) par fusion, en 1940, au sein de la Société française de transports et d’entrepôts frigorifiques / SFTEF (créée par le PLM en 1920 (1)), des filiales frigorifiques du PO (Compagnie de transports frigorifiques / CTF, 1919) et de l’État (Société d’exploitation de wagons frigorifiques / SEF, 1927) ;
- la Société de contrôle et d’exploitation des transports auxiliaires (SCETA) par fusion, en 1942, au sein de la Société de transports auxiliaires de la région du Nord / STARN (créée en 1928 par le Nord), des filiales automobiles de l’Est (Société auxiliaire de transports automobiles de l’Est / SATE, 1928), du Midi (Société des transports auxiliaires des chemins de fer du Midi / STAM, 1928), du PLM (Société auxiliaire de transports du réseau PLM / TPLM, 1929) et du PO (Société de transports auxiliaires du réseau Paris- Orléans, STAPO, 1931 (2)).
(1)- Avec participations ultérieures du Nord, de l’Est et de l’Alsace et Lorraine.
(2)- Les filiales automobiles d’Alsace et de Lorraine (Société auxiliaire de transports d'Alsace et de Lorraine / SATAL, 1928) et de l’État (Société auxiliaire de transports de l'Ouest et du Sud-Ouest / SATOS, 1928) avaient été liquidées respectivement en 1934 et en 1935.
Un autre chantier ouvert par la SNCF porte sur l’intégration des participations touchant au
logement : organismes d’habitation à bon marché et de crédit immobilier. Elle procède ainsi, dès 1941, à la fusion, au sein d’une Société immobilière des chemins de fer français (SICF), des deux sociétés d’habitation héritées de l’État (Société immobilière des chemins de fer de l’État / SICE, 1927) et du Nord (Société des habitations du Nord / SHN, 1931), auxquelles est jointe en 1949 la Société immobilière des chemins de fer d’Alsace et de Lorraine / SICAL (1931).
La SNCF s’attache également à consolider par augmentations de capital et prises de participation un secteur qu’elle considère alors comme essentiel à son activité : la production et le transport d’électricité. Mais la nationalisation de l’Électricité en 1946 conduit la société à céder les avoirs qu’elle possède dans dix sociétés, notamment ceux anciennement détenus par le Midi dans l’Union des producteurs d’électricité des Pyrénées-
Occidentales (UPEPO), créée en 1922 par les principaux producteurs d’hydroélectricité du
grand Sud-Ouest afin d’écouler leurs surplus. Elle ne conserve en définitive que le contrôle de la Sociétés des voies ferrées départementales du Midi / VFDM (1912) et de la Société hydro-électrique du Midi /SHEM (1929), et une participation dans la Compagnie nationale du Rhône / CNR (héritage du PLM intéressé depuis 1933 par l’aménagement du fleuve). Parallèlement, la SNCF crée en 1941 la première de ses filiales n’ayant aucun lien antérieur avec les anciennes compagnies : la Société de gérance des wagons de grande capacité » (SGW) destinée à exploiter les quelque 7 000 wagons de ce type dispersés entre de nombreux propriétaires, généralement de grandes sociétés métallurgiques et minières qui les utilisaient aux transports de leurs matières premières : minerai, coke, charbon, castine. Cette création répond en partie à l’obligation faite à la SNCF au lendemain de l’Armistice de gérer l’ensemble du parc des wagons, ordinaires et autres, afin de faire face aux exigences
de l’occupant.
La SCETA, la bonne à tout faire
Notre propos n’est pas ici de faire l’histoire de la SCETA depuis sa création en 1942. Cependant, en tant qu’élément-clé du groupe SNCF, il est indispensable de rappeler ici sa raison d’être initiale. La SCETA, précise son cahier des charges, a pour objet « de réaliser toutes opérations commerciales, industrielles, financières et immobilières se rattachant au transport des voyageurs, au tourisme, au transport et à l’entreposage des marchandises, à la commission de transport, à la location de matériel » mais aussi « de prendre toutes participations directement ou indirectement dans toutes les opérations quelconques pouvant se rattacher aux objets ci-dessus, par voie d’apports, souscriptions ou achats de titres, de droits sociaux, création de sociétés nouvelles, fusions, sociétés en participation, syndicats de garantie ou autrement ». En résumé, d’entreprendre tout ce qui, juridiquement, était interdit à la SNCF. Ce qui explique que, jusque au début des années 1980, les missions de la SCETA se répartissaient en activités de contrôle (technique voire financier) assurées pour le compte de la SNCF (notamment la surveillance des services d’autocars affrétés par l’entreprise en remplacement de trains de voyageurs) et en exploitations directes, en lieu et place de la SNCF (l’exemple le plus connu reste le service de location « Train + Auto » développé à partir de 1949) ou par le biais de filiales spécialisées. Parmi ces dernières, citons la Compagnie nouvelle des cadres / CNC (1948), la Compagnie de transports de céréales / CTC (1949), la Société de transports de véhicules automobiles / STVA (1950), ou encore la Société de transports spéciaux industriels / STSI (1954).
En 1984, la SNCF invite la SCETA à se restructurer en une holding afin de permettre une meilleure « lisibilité » du groupe SCETA, ce qui est fait au 1er janvier 1986. Conséquence de cette évolution, l’essentiel des activités assurées directement par la SCETA est filialisé. Il en est ainsi de ses activités marchandises (camion- nage et messageries) et voyageurs (transports par autocars) respectivement fédérées au sein de SCETA Marchandises (qui devient SCETA Transport en 1991) et de SCETA Transports et Voyages / STV (à laquelle succède Cariane en 1988). Détenue à 83,5 % par la SNCF, la nouvelle holding est l’actionnaire majoritaire des différentes sociétés qui forment le groupe SCETA, avec un niveau moyen de contrôle de l’ordre de 55 %. Les métiers exercés par ces sociétés peuvent être classés en quatre sous-ensembles : transports combinés, transports spécialisés, transports routiers de marchandises (qui comporte le groupage terrestre national et européen, le transit aérien et maritime, la logistique et le transport de lots et de charges complètes), tourisme et voyages.
En 1989, la SCETA devient la Compagnie de transport et de tourisme SCETA (CTT SCETA), nouvelle raison sociale plus en adéquation avec ses activités, notamment dans le domaine touristique « boosté » par la création de Frantour en 1981. Toujours en 1989, la SCETA affirme son ambition européenne en prenant, à parts égales avec STVA, une participation de 44,8 % dans la société Züst Ambrosetti, premier transporteur privé italien de fret (routier, aérien et maritime). En 1991, elle renouvelle l’expérience en prenant le contrôle de Samson
Transport (62,5 %), première entreprise de groupage au Danemark. Ces opérations font suite aux acquisitions diverses prises antérieurement à l’étranger dans ce domaine par Calberson et Bourgey-Montreuil (entrés dans le giron de la SCETA en 1959 pour le premier, en 1969 pour le second). En 1992, naît SCETA International, filiale holding destinée à regrouper l’ensemble des participations du groupe SCETA dans le réseau de messagerie européen, notamment Züst Ambrosetti et Samson mais aussi l’Allemand Hermann Ludwig (contrôlé par Calberson depuis 1987).
En 1994, les activités de CTT SCETA s’articulent toujours autour des quatre pôles : transports combinés, transports spécialisés, transports routiers de marchandises (groupe GEODIS depuis décembre 1995),tourisme et voyages. En 1996, l’opération de privatisation de GEODIS (ex-Calberson) permet à la SNCF de renforcer son contrôle sur CCT SCETA (sa participation passe de 75,54 % à 99,67 %) dont la vocation de holding généraliste de la SNCF se trouve ainsi clairement affirmée. Une évolution que concrétise l’adoption en 1999 d’un nouveau nom : SNCF Participations.
La SNCF et ses filiales : la lente émergence de la notion de « groupe »
Un mot ici du cadre juridique dans lequel la SNCF a pu développer son action en la matière. Lors de la création de la société, une position libérale et souple est adoptée. Ayant pour objet « principalement l’exploitation et, s’il y a lieu, la construction de chemins de fer », elle a, en vertu de l’article 1er, alinéa 3, de la convention du 31 août 1937, la possibilité, de « prendre toute concession, tout affermage, toutes participations directes ou indirectes dans toutes opérations quelconques se rattachant à l’objet ci-dessus spécifié, par voie de création de sociétés nouvelles, d’apports, de souscriptions ou achats de titres, ou droits sociaux, fusions, associations en participation, syndicats de garantie ou autrement ». Avec, pour seule contrainte, celle d’obtenir l’autorisation des ministres des Travaux publics et des Finances.
La portée de ce texte est toutefois limitée par l’article 6 de la loi n° 49-874 du 5 juillet 1949 qui dispose que, aussi longtemps que l’équilibre financier de la SNCF exigera une subvention budgétaire, celle-ci ne sera pas autorisée à prendre des participations nouvelles ou à accroître ses participations existantes dans des entreprises ayant un autre objet que le transport par chemin de fer et par route, cela aussi longtemps que son équilibre financier exigerait une subvention budgétaire. Et si, par deux fois, le conseil d’État en assouplit les orientations :
- avis du 2 novembre 1959 qui précise qu’échappent à ces dispositions les participations de la SNCF dans les sociétés d’habitation à bon marché ou de crédit immobilier destinées à faciliter le logement du personnel et la souscription aux augmentations de capital en vue de maintenir sa part d’influence dans les sociétés où elle est déjà présente lorsque ce maintien est justifiée par l’intérêt du service public ;
- ordonnance du 31 octobre 1958 (art. 3) qui remplace l’expression « transport par chemin de fer et par route » par celle, plus extensive, de « transport de voyageurs et de marchandises », le cadre ainsi créé reste contraignant.
Une brèche décisive est ouverte par l’avenant du 30 mars 1974 au « contrat de programme » arrêté en 1969 et 1971 en préambule à la réforme annoncée des rapports juridiques et financiers entre l’État et la SNCF. Il est entendu que celle-ci, en vue d’atteindre son équilibre financier, développera notamment des « activités accessoires » – utilisation de la technique routière ou autres modes de transport, réalisation et gestion d’entrepôts, tourisme et hôtellerie – dans les conditions prévues à l’article 1er, alinéa 3, de la convention du 31 août 1937 modifiée. Ces opérations de diversifications « viseront à améliorer les positions commerciales de la Société Nationale et à accroître les produits financiers qu’elle tire de ses filiales ».
Cette libéralisation est confirmée par l’article 18 de la loi d’orientation des transports intérieurs / Loti (30 décembre 1982) qui, tout redéfinissant le statut de la SNCF – de Société d’économie mixte depuis 1938, elle devient Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) au 1er janvier 1983 – l’autorise à exercer toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à sa mission première, notamment à créer des filiales ou à prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un objet connexe ou complémentaire au transport ferroviaire (disposition confirmée par l’article 3 du nouveau cahier des charges arrêté le 1er septembre 1983).
Se dessine alors la notion de « groupe » : en 1980, le rapport d’activité annuel de l’entreprise apporte pour la première fois un « commentaire général sur l’activité et les résultats non seulement des filiales proprement dites […], mais également des principales sociétés du groupe ferroviaire ». D’abord simple alinéa de la partie consacrée par le rapport à la gestion financière de l’entreprise, l’information relative au groupe fait l’objet d’une rubrique à part entière à partir de 1983. Autre signe de cette nouvelle émergence, dès l’année suivante La Lettre de la SNCF consacre son numéro d’été (n° 29, juillet-août) à « La SNCF et son groupe ». En 1989 encore, Jacques Fournier, depuis peu à la tête de la SNCF, tient à assurer lui-même la présidence de la SCETA, la filiale la plus importante de l’entreprise. Tout un symbole. Enfin, un comité stratégique de groupe se met en place appuyée par la direction de la stratégie et du plan créée en 1991.
Par groupe, on entend les activités de la maison-mère (SNCF) et celles des sociétés annexes dont elle possède tout ou partie du capital. Nous avons vu comment, dans les années qui ont suivi sa création, la SNCF s’était entourée d’un petit nombre de filiales bâties à partir de l’héritage des réseaux (STEF, SCETA, SHEM, SICF), voire pour l’une d’elles créée de toutes pièces (SGW). Les restrictions législatives apportées à partir de 1949 freinent le mouvement et la SNCF se contente de prendre des participations minoritaires, laissant le soin à la SCETA d’occuper la place qu’on lui refuse. Mais si certaines de ces participations correspondent à des besoins réels tant sur le plan national (à l’exemple de la Société d’économie mixte pour l’aménagement du secteur Maine- Montparnasse / SEMMAM en 1958) qu’international (Interfrigo en 1949, Eurofima en 1956, Intercontainer en 1967), d’autres répondent à des sollicitations gouvernementales pas toujours en phase avec ses préoccupations : Sofrerail en 1957, Air Inter en 1958, Société d’études de l’aérotrain en 1966, etc. La spirale reprend après la brèche ouverte en 1974, timidement d’abord (France Rail Publicité en 1976), puis de façon plus accélérée par la filialisation d’anciens services (Les Éditions La Vie du Rail en 1985, GIE Transmanche en 1989, Sernam Transport et France Wagons en 1993) et la création de nouvelles entités : Compagnie de transport d’engrais / CTE en 1990, Société nationale d’espaces ferroviaires / SNEF en 1991, groupe Systra en 1992, Grandes Lignes International / GLI en 1993, Télécom Développement en 1996. Entre-temps, la plus importante de toutes, la SCETA, change de raison sociale en 1989 et devient la Compagnie de transport et de tourisme SCETA (CTT SCETA).
Cependant, la notion de groupe reste encore suffisamment nébuleuse pour que, dans son rap- port du 2 juin 1993, la commission d'enquête sénatoriale (Hubert Haenel) chargée d’auditer la SNCF dénonce « l’absence d'une véritable politique de groupe qui permettrait d'assurer la coordination de la gestion des différentes entités », mettant en cause « l’éparpillement des différentes filiales [qui] rend quelque peu opaque la structure du groupe dont la stratégie de développement n’est pas clairement affirmée ». Dans ses conclusions, la commission, après avoir rappelé que le groupe constituait un ensemble de plus de 300 sociétés (dont la très grande majorité liées à la SCETA) aux activités particulièrement diversifiées intervenant dans le domaine du transport routier de marchandises et de voyageurs, du tourisme, des loisirs ou de la restauration, s’interroge, d'une part, sur la stratégie d’ensemble qui préside à la gestion du groupe et, d'autre part, sur la contribution effective des différentes sociétés qui le composent à l'accomplissement des missions essentielles de la SNCF. Aussi préconise-t-elle un recentrage autour des activités constituant « un complément nécessaire, utile et rentable au trans- port ferroviaire », recentrage qui passerait par un audit approfondi des activités du groupe SCETA afin d'établir une distinction claire entre les filiales répondant à un besoin réel et celles dont l’exploitation n'apporte rien, ou peu, à la SNCF, prélude à la cession de certaines filiales du groupe.
Le journal d’entreprise Direct consacre le dossier de son numéro d’avril 1989 au « Groupe SNCF » qui compte alors 222 filiales dont 217 directement coiffées par la SCETA restructurée en holding en 1986. L’ensemble de ces filiales employaient alors quelques 24 000 salariés, dont 22 700 rattachés à la SCETA. L’organigramme joint au dossier traduit bien la place prédominante des filiales de la SCETA (couleurs froides) – et la diversité des créneaux d’activité occupés – face à celles de la SNCF (couleurs chaudes). En face du nom des filiales, la hauteur des participations (exprimée en pourcentage) de la SNCF ou de la SCETA à l’intérieur de chacune d’elles.
Il faut cependant attendre 1996 pour qu’un tournant décisif soit pris dans le cadre de la préparation du « projet industriel (3)». Pour les pouvoirs publics ce travail « doit être l’occasion d’une réflexion sur l’évolution du périmètre du groupe, tenant compte de la nécessité de mieux cerner les métiers de l’entreprise » (lettre du Premier ministre au président de la SNCF du 27 juin). Message bien reçu puisqu’elle figure au nombre des quarante-sept priorités du projet industriel examinées le 4 novembre par la direction et les organisations syndicales. Sous la rubrique « le contrôle du groupe », elle est confiée à David Azéma qui, en décembre, prend la tête de la nouvelle direction des filiales et participations. Libérer les filiales de la tutelle juridico-comptable de la direction financière élaborer une véritable stratégie de groupe sont ses priorités.
Sa mission s’achève avec la naissance, le 6 janvier 1999, de SNCF Participations (4), nouvelle raison sociale de CTT SCETA, « holding généraliste "pivot" appelé à porter l’essentiel des participations du groupe et à en assurer les fonctions de supports (5) » [pilotage économique et financier, expertise sur les évolutions du périmètre du groupe]. Placé successivement sous la présidence de Jean-Pierre Leclerc (1999), Armand Toubol (2000) et Claire Dreyfus-Cloarec (2004), SNCF Participations est passé depuis le 9 mai 2007 directement sous la coupe du président de la SNCF, Anne-Marie Idrac puis Guillaume Pepy. Cette preuve de l’importance croissante prise par les filiales avait été déjà remarquée en 2003 lorsque Louis Gallois, à l’occasion de la mise en place de la
(3)- Élaboré dans le cadre de la réforme de l’organisation du transport ferroviaire (création de RFF) destinée à répondre à la crise profonde que traverse alors la SNCF, le projet industriel se devait d’indiquer les voies et moyens du redressement de l’entreprise.
(4)- Un communiqué de presse de la SNCF du 19 mai 2008 annonçant le retour de David Azéma au sein de l’entreprise en tant que directeur général délégué Stratégie et Finances à compter du 11 juin précise qu’il aura sous sa responsabilité, entre autres, la direction des filiales et participations dirigée par Dominique Thillaud (depuis juillet 2003).
(5)- SNCF, Rapport annuel 1998, p. 97. nouvelle organisation de la direction de l’entreprise (nomination aux côtés du président d’un directeur général exécutif), avait fait entrer au comité exécutif le président de SNCF Participations.
Retour sur 1999. Le recentrage sur les activités liées au transport et la valorisation des savoir-faire et des actifs de la SNCF doivent répondre à la nouvelle ambition de l’entreprise : devenir l’un des premiers groupes de services de transport multimodal à dimension européenne. Ainsi, et sans attendre, à la cession de filiales directes ou indirectes non stratégiques ou insuffisamment rentables (Frantour, les Éditions de La Vie du Rail) répondent de nouveaux investissements plus consensuels (participations dans Ermewa, Via-GTI), tandis que plusieurs filiales directes sont reclassées sous le nouveau holding : Grandes Lignes internationales, la Société nationale d’espaces ferroviaires, SNCF International, Fret International, EDI Fret, la Société de gérance de wagons de grande capacité.
Sur le papier, les filiales relevant de SNCF Participations se rangent désormais sous les trois têtières : « Transport de marchandises » (fret à dominante ferroviaire et organisation de transport et de logistique), « Transport de voyageurs » (activité voyageurs Grandes Lignes à l’international et transport public de voyageurs et intermodalité) et « Valorisation du savoir-faire et du patrimoine ». S’y glissent également quelques filiales directes de la maison-mère (signalées comme telles) à l’exemple de France Wagons dans la catégorie Fret à dominante ferroviaire ou la SHEM et Télécom Développement sous la têtière « Valorisation du savoir-faire et du patrimoine ». Toutes les indications relatives à ces « inclusions » disparaissent dès 2000, ne permettant plus au premier coup d’œil de différencier les filiales directes de la SNCF des filiales de SNCF Participations.
C’est cette vision par branches d’activités (dites aussi opérationnelles) qui prime à partir de 2004, quand le traditionnel organigramme juridique séparant le domaine de la SNCF de celui de SNCF Participations s’efface derrière celui de l’organisation industrielle du groupe. Cette nouvelle représentation par branches :
- «Voyageurs France Europe » (« SNCF Voyages »en 2008)
- « Infrastructure » (« Infrastructure et Ingénierie »en 2006, « SNCF Infra » en 2008)
- « Transport public » (« Proximités » en 2007, « SNCF Proximités » en 2008)
- « Fret » (« Transport et Logistique » en 2006, « SNCF Geodis » en 2008)
- « Gares et Connexions » (créée en 2009)
- « Fonctions communes et participations »
gomme progressivement toute référence précise aux filiales, le dernier organigramme consultable portant leur ventilation entre ces différentes entités datant, à notre connaissance, de 2007.
Depuis la prise en mains de l’ensemble des participations de l’entreprise (majoritaires et minoritaires confondues) par SNCF Participations, on assiste à une inflation effrénée de leur nombre. Au 31 décembre 2007, le nombre de participations du groupe SNCF s’élevait ainsi à 727. Par comparaison, en 1986, soit à peine plus de vingt ans plus tôt, la SNCF ne contrôlait en direct que douze sociétés et ne disposait de participations minoritaires que dans vingt-cinq autres, tandis que, dans le même temps, la SCETA ne revendiquait que 217 filiales et sous-filiales. Cette inflation est le reflet tout à la fois des ambitions de SNCF, des exigences croissantes des clientèles, de l’ouverture des frontières et du développement de technologies nouvelles.
Calberson devient Geodis
Parmi les filiales de la SCETA touchant aux transports routiers, une place à part doit être faite à la Société nouvelle des transports rapides Calberson (SNTR Calberson). Née en 1894, cette société est tombée dans l’escarcelle de la SCETA en 1959 après le rachat par celle-ci de l’entreprise France Transports Domicile (FTD) qui s’en était assuré le contrôle en 1932. Créée deux ans plus tôt, FTD assurait à Paris et dans sa région, pour le compte des Compagnies du Nord et de l’Est, le groupage et le camionnage des marchandises destinées à leurs gares. À la demande de Raoul Dautry, André Crescent, son initiateur, s’était porté à la rescousse de René Maquard alors en désaccord avec Léon Calberson, son associé et beau-frère, fils d’Emile Calberson à l’origine de la Société des transports rapides Calberson (STR). C’est dans ce contexte que FTD était devenu l’actionnaire majoritaire de la SNTR avec 71 % des parts, le reste étant détenu par Maquard. Après guerre, FTD avait changé de mains, avec pour nouvel actionnaire majoritaire les assurances La Paternelle, à qui la SCETA devait succéder. La création à une date ultérieure d’une holding, la Société financière et d’exploitation France Transport Domicile (SFEFTD), permet de dissocier les deux sociétés.
En 1980, première entreprise de groupage française, la SNTR Calberson est aussi présente dans les domaines de la messagerie express (Calexpress en 1972), de l’entreposage (entrepôts du boulevard Mac-Donald en 1970, du boulevard Ney en 1975), de l’affrètement et de la location de camions. Sa principale filiale est Calberson international qui a pris la suite en 1976 de la Société nouvelle des transports internationaux (SNTI), elle-même créée en 1966 à la demande des Domaines de l’État pour exploiter le fonds de commerce de Schenker France mis sous séquestre après la dernière guerre.
En 1984, la SFEFTD devient la Compagnie générale Calberson, origine du groupe Calberson, qui est introduit au second marché de la Bourse de Paris.
Dix ans plus tard, la CTT SCETA décide de regrouper sous une seule entité l’ensemble des filiales de sa branche « General Cargo » (transport de marchandises autre que le ferroviaire), à savoir :
- la Compagnie générale Calberson (détenue à 57,42 % par CTT SCETA), spécialisée dans la messagerie, l’express et la logistique
- Bourgey-Montreuil SA (93 %), société de transport de lots complets par route
- SCETA Transport (100 %), société de messagerie, d’express et de logistique
- SCETA International (détenue à 78,17 % par CTT SCETA et à 21,83 % par STVA), société regroupant l’ensemble des activités internationales (filial étrangères) de Général Cargo.
Finalisée juridiquement le 20 décembre 1995, l’opération a consisté en une fusion par absorption des trois dernières sociétés par la Compagnie générale Calberson qui devient, sous le nom de GEODIS (CTT SCETA 72,5 %, SALVEPAR 16,5 %, public 11 %), le premier groupe français de transport routier avec pour ambition « d’être le leader européen dans les métiers du transport routier et de la logistique ».
En juin 1996, la SNCF décide de se désengager partiellement de GEODIS. Outre le fait de ne plus apparaître comme le principal actionnaire du premier groupe français de transport routier, son objectif est de prendre le contrôle entier de CTT SCETA en obtenant de ses actionnaires minoritaires
– notamment SALVEPAR (10,5 %) et AGF (8,1 %) – qu’ils lui cèdent leurs parts contre une partie de ses avoirs dans GEODIS. À cet effet, CTT SCETA lance en septembre une offre publique de rachat d’actions
(OPRA) : 7 actions CTT SCETA contre 10 actions
GEODIS. À terme, la participation SNCF dans CTT
SCETA est portée de 75,54 % à 99,67 %, tandis que celle dans GEODIS tombe à 45,61 %. Ce qui, par contrecoup, permet la privatisation de GEODIS, autorisée par un décret du 20 août 1996. À l’issue de cette opération, le groupe GEODIS se restructure en quatre branches : la Messagerie (France et Europe), la Route, la Logistique et l’Overseas.
Le 6 avril 2008, la SNCF annonce une OPA amicale sur l’ensemble du capital de GEODIS. Ouverte du 28 mai au 1er juillet, elle permet à SNCF Participations de porter sa part dans GEODIS de 43,07 % à 98,08 %. En additionnant les activités de Geodis à celles de Fret SNCF et des fi liales fret de Transport et logistique partenaire (VFLI, STVA, Ermewa, France Wagons, Naviland Cargo, etc.) la SNCF figure désormais dans les cinq premiers opérateurs mondiaux dans le domaine du transport des marchandises par rail, route air et mer.
Née à la fi n du 19e siècle, partenaire de longue date de la SCETA, qui en prend le contrôle en 1959, Calberson (dont on aperçoit ici une partie de la fl otte de camions au début des années 1970) devient en 1995, sous le nom de Geodis, le premier groupe français de transport routier.
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