À vouloir aller trop vite, on s’expose parfois à des déconvenues. Ouvert dans la précipitation, le chemin de fer de Paris à Saint-Germain l’a appris à ses dépens, asphyxié par l’engouement populaire. Fort heureusement, l’esprit pragmatique de ses dirigeants a eu vite fait de répondre aux défauts de jeunesse, sauf à prévoir l’imprévisible.
Reconstitution de l’arrivée en gare du Pecq, le 24 août 1837, du convoi à bord duquel avait pris place la famille royale conduite par la reine Marie-Amélie en l’absence de Louis-Philippe, retenu à Paris par ses ministres par crainte d’un hypothétique attentat. Peinture de Michel Lamarche (prix Schefer 1951) exposée en 1987 à l’occasion du 150e anniversaire du Paris-Saint-Germain. Coll. privée.
Le 28 juin 1837, à l’approche des beaux jours, et bien que de nombreux chantiers soient encore en pleine activité, Pereire demande au ministre des Travaux publics qu’il prenne les mesures nécessaires à la réception des travaux faits afin que la ligne puisse être ouverte à la circulation au plus vite (1). De fait, il précède de deux ans les prescriptions de l’article 1 du cahier des charges qui prévoyait un délai d’exécution de quatre années. Cet empressement est diversement perçu. Il en est ainsi du préfet de Seine-et- Oise qui, le 20 juillet, s’appuyant sur les premières conclusions de la commission chargée de la réception provisoire des travaux, fait savoir à Legrand que les parties du chemin de fer en cause « ne sont pas dans un état d’achèvement suffisant » pour être livrées au public. De fait, les personnalités invitées à parcourir la ligne le 27 juillet doivent mettre pied à terre à Rueil pour rejoindre Chatou, le pont jeté sur la Seine étant toujours privé de rails. Une lacune que la compagnie s’empresse de combler permettant ainsi, trois
jours plus tard, à un nouveau convoi de parcourir la ligne de bout en bout sans interruption. En dépit de la publicité donnée à ces courses, la commission de réception ne plie pas et, au terme d’une nouvelle reconnaissance menée le 14 août en présence de Clapeyron et de Mony, subordonne sa décision à l’exécution de travaux complémentaires. Elle exige notamment l’agencement en gare du Pecq, de chaque côté des voies, de « planchers horizontaux » pour faciliter l’accès des voitures aux voyageurs. Par contre, elle passe sous silence l’absence de seconde voie et de toute station intermédiaire. La commission finit par donner son feu vert le 24, le jour même de l’inauguration de la ligne, « sous les conditions d’ordre et de police qui devront être imposées à la compagnie pour la sûreté des voyageurs ». Son vœu est exaucé le lendemain par la signature par le ministre d’un « Arrêté pour le service du chemin de fer de Paris à Saint-Germain », règlement provisoire de police (45 articles). Informé le même jour par Legrand que l’ouverture au public est fixée au lendemain, le préfet dit apprendre, « non sans surprise, cette nouvelle inattendue (2) ».
Un succès qui dépasse les attentes
Après l’inauguration le 24 août, en présence de la famille royale, excepté Louis-Philippe auquel ses ministres ont déconseillé le déplacement en raison des risques d’attentat, et après la journée du 25 réservée « à tout ce que Paris renferme de notabilités » (Le Siècle, 26 août 1837), le chemin de fer est enfin ouvert au public le samedi 26 août. Dix trains par jour sont annoncés, tant au départ de Paris (depuis 6 h le matin jusqu’à 8 h 30 le soir) que du Pecq (de 6 h 45 le matin à 9 h 30 le soir). Le trajet, qui ne compte aucun arrêt intermédiaire, est couvert entre 25 et 30 minutes. Cependant, l’exploitation étant limitée à une voie, les départs sont donnés, dans leur grande majorité, toutes les heures et demie. Chaque convoi est composé de 14 voitures pouvant emporter ensemble plus de 300 personnes.
Le succès est immédiat et, « malgré la fréquence des départs des convois, bien des personnes ont été obligées de remettre la partie à un autre jour » (Le Courrier français, 27 août 1837). En fait, la possibilité de pouvoir réserver sa place à l’avance aux bureaux de la compagnie, rue de Londres, avait eu pour conséquence de léser toutes celles qui s’étaient présentées spontanément aux guichets, et cela bien que la compagnie ait limité – dans le souci d’éviter « la revente » – le nombre de places susceptibles d’être achetées par une seule personne (trois places d’impériale, huit places de diligence, dix places de wagon). Aussi, « pour éviter les retards que l’encombrement des voyageurs a occasionnés » (La Presse, 27 août 1837), la compagnie prend-elle dès le lendemain les mesures qui s’imposent. Afin de mettre à disposition un nombre de places supérieur, elle décide de mettre en marche deux rames à chaque départ, expédiées en double traction. Bien que le délai entre chaque envoi soit désormais de deux heures (de 6 h le matin à 8 h le soir depuis Paris et de 7 h le matin à 9 h le soir depuis Le Pecq), ce qui réduit le nombre de trains (huit contre dix), l’offre globale est ainsi portée de 6 000 à 9 600 places. Surtout, elle ne délivre plus de billets à l’avance (sauf pour le retour du Pecq mais à cette condition qu’il se fasse par le train « qui reviendra immédiatement »), ce qui conduit à n’ouvrir les bureaux qu’une heure avant chaque départ, et limite à
trois le nombre de places délivrées à une même personne. Ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir effectuer le voyage n’ont d’autre choix que d’aller voir passer les trains. Le dimanche 27 août, près de 100 000 personnes se pressent le long de la ligne, tant à Paris qu’en banlieue : « les deux rives du chemin étaient, dans toute son étendue, bordées d’une haie très épaisse de spectateurs. » Ils sont d’autant plus nombreux qu’ils jouissent du « plus beau temps possible » (La Presse, 30 août 1837). Et l’intérêt ne faiblit pas dans les semaines qui suivent. Pour preuve cet article de La Gazette des tribunaux repris par le Journal des débats dans son édition du 16 octobre. Il y relate les raisons, place de l’Europe, origine de la ligne, d’une rixe entre spectateurs et « cette race d’industriels traînant après soi des bancs, des tables, des charrettes, et qui, s’installant d’autorité dans les endroits les plus apparents, assourdit la foule du monotone cri de Places à louer ! » Ces derniers, profitant du fait que les emprises du chemin de fer sont clôturées par une palissade, s’étaient approprié le seul endroit autorisant une vue sur la tranchée des Batignolles, au dessus du tunnel creusé sous la place, monnayant aux plus offrants le spectacle du va et vient des locomotives. De quoi fâcher un individu qui, « impatienté de se trouver derrière une quadruple haie de spectateurs plus élevés que lui de trois pieds », saisit le coin d’une table sur laquelle étaient montées plusieurs personnes manquant de précipiter deux dames par-dessus le parapet. Il s’en était suivi une mêlée générale marquée par la mise à bas de toutes les estrades. Une flambée de violence qui cessa lorsque « le départ d’un convoi vint heureusement faire diversion, en faisant succéder dans les esprits le sentiment de la curiosité à celui de la colère ».
Une exploitation soigneusement codifiée
Les modalités du départ depuis la gare de la place de l’Europe nous sont données par une « Notice (3) » publiée au lendemain de la mise en exploitation de la ligne :
« Un élégant pavillon a été construit pour l’admission des voyageurs qui, après avoir circulé dans un passage formé de barrières, arrivent aux bureaux de distribution des places ; l’un de ces bureaux donne les billets à 1fr 50c, l’autre les billets à 1fr. On est ensuite introduit dans un vaste salon, richement décoré et traversé dans son milieu par une barrière qui sépare les personnes, suivant la nature des places qu’elles doivent occuper : celles munies de billets à 1fr 50c entrent dans la partie à gauche, les autres dans la partie à droite […].
« Les croisées du salon d’attente donnent sur un emplacement profond et découvert, garni de quatre voies de rails et d’un double plancher placé à hauteur des marchepieds des wagons, pour faciliter l’entrée et la sortie des voyageurs ; à l’extrémité opposée, d’autres pavillons destinés à la sortie de l’enceinte des personnes qui arrivent de Saint-Germain.
« Un bruit sourd, prolongé et croissant, avertit de l’arrivée d’un convoi qui roule sous la voûte ; les remorqueurs paraissent et
bientôt les deux rampes qui font face aux croisées du salon sont ouvertes par les voyageurs arrivant, qui semblent être une population toute entière surgissant tout à coup du sein de la terre. Peu après, le son de la cloche indique le moment du départ ; une porte est ouverte sur la rampe de gauche, conduisant sur le lieu de l’embarquement ; lorsque les personnes qui doivent occuper les voitures à 1fr 50c sont descendues et placées, on ouvre la porte du salon sur la rampe de droite, et les autres voyageurs descendent à leur tour.
« Quand tout est prêt, la trompette annonce la marche du train, qui s’ébranle d’abord lentement et s’enfonce sous la grande voûte pratiquée sous la place de l’Europe. »
Une autre « Description (4) » apporte des précisions complémentaires. Les bureaux ferment un quart d’heure avant chaque départ. Les billets ne peuvent servir que pour le jour et l’heure indiqués. Chacun porte le numéro de la place attribuée. Le billet doit être montré lors de l’accès aux salles d’attente et remis aux agents de l’administration lorsqu’ils en font la demande afin d’aiguiller le voyageur vers la voiture correspondante au numéro. Ne pas monter dans la voiture désignée expose le contrevenant à perdre sa place. Il est interdit de fumer dans et sur les voitures, comme dans tous les établissements de la compagnie. Afin de prévenir les accidents, il est expressément défendu aux voyageurs de mettre les bras ou la tête hors des voitures, d’ouvrir les portières, de descendre des voitures avant que les trains ne soient entièrement arrêtés et que les conducteurs aient ouvert les portières. Ils doivent également s’abstenir de sauter en cours de route hors des voitures en cas de perte d’un chapeau, mouchoir ou autre objet quelconque. Mises en garde dont le romancier et journaliste Alphonse Karr (1808-1890) se gausse : « Nous avons lu dans La Presse que tout Paris se portait avec un empressement extraordinaire sur le chemin de fer de Paris à Saint-Germain. – J’avouerai naïvement que cet empressement nous paraît singulier, quand nous lisons les recommandations des administrateurs et celles de la police au sujet dudit chemin : - Si vous mettez la tête à la portière pour regarder la campagne, vous êtes mort; - si vous laissez tomber votre chapeau, vous êtes mort ; - si vous crachez dehors, vous êtes mort, etc., etc. Cela coûte vingt-cinq sous, mais je ne connais rien d’aussi effrayant » (La Presse, 5 septembre 1837). Et pourtant : le 6 juin 1838, le préfet de Police informe que, « par le fait de son imprudence », un voyageur « a eu la tête fracassée sous le pont de Bezons (5) ».
Aux imprudents répondent les anxieux. Confrontés à la nouveauté, certains voyageurs ne peuvent contrôler leurs émotions avec, parfois, d’importantes conséquences. Le 29 août 1837 au soir, le maire de Saint-Germain signale que le dernier convoi est arrivé avec un retard de trois quarts d’heure imputable d’abord « à la peur panique d’un voyageur qui, en partant de Paris, s’est presque trouvé mal sur l’impériale d’une berline ce qui a provoqué l’arrêt des voitures, arrêt dans lequel le tampon d’une berline a été presque détruit par le choc, et ensuite par le temps qu’il a fallu pour réparer ce tampon (6) ».
Reste que le 26 août, jour de l’ouverture au public, quelque 6 000 personnes ont emprunté le chemin de fer, sans qu’aucun accident ne soit à signaler. Le surlendemain, la fréquentation est à peine moindre, en raison, selon le maire de Saint-Germain, de « l’inconsistance du temps ». Et celui-ci d’ajouter : « Tout du reste, tant en ville qu’à la gare, se passe avec une tranquillité parfaite. » Il est vrai que vingt-deux dragons veillent au grain.
Les nécessaires ajustements
Le 29 août, le maire de Saint- Germain informe le préfet de Seine-et-Oise de l’absence d’éclairage dans les tunnels : « Il devient indispensable d’éclairer le plus tôt possible les voûtes sous lesquelles passent les voitures : jusqu’ici il n’est rien arrivé de fâcheux en cet endroit mais l’obscurité peur favoriser des vols et autres actes que les lois condamnent. (7) » Le 4 septembre, ce dernier écrit au du ministre des Travaux publics « qu’il paraît certain que des femmes ont été l’objet d’attaques immorales dans les wagons (8) » et demande que la compagnie soit astreinte à éclairer les voûtes le jour et les voitures la nuit.
Début septembre, toujours, la compagnie informe le public « que l’augmentation de son matériel lui permettant aujourd’hui de délivrer des billets d’avance sans s’exposer à en refuser aux heures de départ, elle vient d’ouvrir dans ses établissements de Paris, rue de Londres, et à Saint-Germain, place du Théâtre, n° 17, deux nouveaux bureaux où l’on pourra désormais arrêter des places à l’avance pour tous les départs de Paris du jour, et pour tous les retours de Saint-Germain » (La Presse, 7 septembre 1837).
Une nouvelle étape est franchie en octobre avec l’ouverture de nouveaux bureaux dans Paris et la possibilité de retenir ses places trois jours à l’avance : « On peut dès aujourd’hui arrêter des places d’avance pour tous les départs et tous les retours de Saint- Germain, du jour, du lendemain et du surlendemain, aux stations des Omnibus, boulevard des Italiens, et rue de Rohan près du Carrousel ; aux bureaux des Favorites, place Dauphine près le Pont-Neuf ; et à la station des Diligentes, rue de l’Arbre-Sec, au coin de la rue Saint-Honoré » (Journal des débats, 13 octobre 1837).
Entre-temps, le 19 septembre, Pereire informe le préfet de Seine-et-Oise que « pour éviter de laisser à Saint-Germain une masse de voyageurs qui n’auraient pu trouver des moyens de revenir à Paris », la compagnie a été contrainte d’assurer tous les dimanches un retour supplémentaire à 11 h du soir. Mais de préciser : « Nous ne l’annonçons pas sur nos affiches afin de ne pas y habituer le public. (9) »
En octobre, enfin, le préfet de Police, en réponse aux encombrements qui entravent la circulation à l’approche de la gare de la place de l’Europe, étend à celle-ci l’autorisation faite aux cochers de réclamer d’avance le prix de leur course comme ils le font déjà aux abords des lieux de réunion et de divertissements publics afin de limiter les stationnements (Journal des débats, 19 octobre 1837).
La mise en service de la seconde voie, fin mars 1838, permet au Paris-Saint-Germain d’étoffer son service. À partir du 15 avril, le nombre de trains est porté dans chaque sens de huit à quinze et l’intervalle entre chaque départ porté de deux heures à une heure depuis 7 h le matin jusqu’à 9 h le soir (Journal des débats, 29 mars 1838). Mieux, le dimanche, les convois se succèdent toutes les demi-heures de 10 h le matin à 6 h le soir, soit 23 trains dans chaque sens (La Presse, 15 avril 1838).
Premiers accrocs
L’une des grandes difficultés auxquelles se heurte la compagnie est de pouvoir répondre à la demande lors des retours de Saint-Germain le dimanche en soirée. Les exemples de personnes laissées pour compte alors même qu’elles pouvaient justifier d’un billet acheté à l’avance sont nombreux. Il n’est pas rare que les voyageurs déçus en viennent aux mains. La presse s’en fait l’écho, notamment lorsque les victimes sont de haut rang. Ces désordres prennent une tournure dramatique le
12 août 1838. Ce jour là, un dimanche, « la beauté du temps avait attiré à Saint-Germain une affluence prodigieuse ». Le soir venu, les trains se succèdent au départ du Pecq, les uns directs pour Paris, les autres omnibus, ces derniers comprenant des voitures réservées aux voyageurs des stations intermédiaires. Passant outre cette disposition, moult promeneurs « pressés de retourner à Paris, et refusant d’attendre une demi-heure de plus, [envahissent] de force les places réservées » à bord du train de 8 h 30. Un grand nombre de voyageurs étant montés à Chatou et à Nanterre, 200 personnes se trouvent lésées à Asnières. Ulcérées de ne pouvoir trouver une place, certaines envahissent le bureau du receveur pour réclamer leur dû et brisent la caisse pour en distribuer le contenu, les autres se répandent sur les voies, masquant les lanternes de la voiture de queue. C’est alors que surgit le train direct parti du Pecq une demi-heure plus tard. Bien qu’« [ayant] pu faire la manœuvre d’arrêt et détourner toute la vapeur », le mécanicien ne peut éviter le choc. Les premiers comptes rendus journalistiques font état de scènes apocalyptiques : « Les cinq wagons de derrière ont été brisés, les deux premiers en avant du convoi stationné, en portant sur la locomotive en tête, se sont également disloqués […]. Les blessés poussaient des cris lamentables ; ceux qui étaient sains et saufs montaient les uns sur les autres pour sortir au plus vite des wagons… » En vérité, seules cinq personnes ont été atteintes, toutes aptes à regagner leur domicile dès le lendemain (10), et les deux trains ont rallié Paris deux heures plus tard, grâce, notamment, à l’activité déployée par Émile Pereire qui, dès l’annonce de l’accident, s’était rendu sur place. Toute circulation ayant été interrompue dans les deux sens, la colère gronde bientôt au Pecq : « Pendant ce temps-là, une affluence prodigieuse de voyageurs s’était accumulée dans les salles d’attente du Pecq et manifestait bruyamment l’impatience qu’elle éprouvait de ce retard : on sifflait, on piétinait, on frappait à grands coups de canne sur les planchers en bois. À onze heures et demie, les premiers rangs, qui à chaque instant se resserraient davantage par l’arrivée des nouveaux venus, ont sauté par-dessus les barricades : en un instant les bancs, les lanternes ont été brisés et mis en pièces. Les employés qui ne savaient plus comment contenir la foule, se sont sauvés, et il a fallu l’intervention de la gendarmerie et deux détachements de dragons casernés à Saint-Germain pour rétablir l’ordre. » Les voies dégagées, les convois se sont de nouveau succédé jusqu’à 2 h du matin, mais un millier de personnes ont été forcées de chercher un gîte sur place (Journal des débats, 14 et 16 août 1838 ; La Presse, 14 août 1838) (11).
L’accident d’Asnières pose la question d’une meilleure signalisation. Jusque-là, elle reposait sur les épaules des cantonniers répartis le long de la ligne et assez rapprochés pour pouvoir se voir et transmettre tous les avertissements nécessaires à l’aide de drapeaux le jour et de lanternes la nuit. Il était aussi spécifié que les convois circulant la nuit devaient porter à l’avant et à l’arrière deux fanaux. Le Journal des débats préconise aussitôt d’adopter de nouvelles mesures (proposées en fait par Pereire au lendemain de l’accident) : « Le service est encore imparfait dans quelques points, et principalement en ce qui concerne les signaux. On dit qu’elle [la compagnie] demande l’autorisation d’établir des télégraphes (12) ; mais une machine aussi compliquée ne paraît pas indispensable. Il suffirait d’établir aux stations et à d’autres intervalles des mâts de pavillon auxquels on hisserait le jour des drapeaux de différentes couleurs et la nuit des falots également de différentes couleurs. Il faudrait aussi que la voiture de tête et de queue de chaque convoi eût un petit mât avec un drapeau ou un falot. » Quelques jours plus tard, le même journal note avec satisfaction que les mesures préconisées ont été appliquées : « Des poteaux élevés ont été placés près des bureaux de stations ; ces poteaux sont surmontés de lanternes éclairées par des feux de couleur, et qui s’aperçoivent au loin ; le dernier wagon de chaque convoi est garni de deux grandes lanternes à verre lenticulaire, et qui projettent au loin des lueurs coloriées qu’il est impossible de confondre avec les clartés des réverbères destinés à éclairer la route » (Journal des débats, 18 août 1838).
Bruno Carrière
1- Pereire s’appuie sur l’art. 25 du cahier des charges : « À mesure que les travaux seront terminés sur des parties du chemin de fer, de manière que ces parties puissent être livrées à la circulation, il sera procédé à leur réception… »
2- Archives départementales des Yvelines, Série S, Chemin de fer de Paris à Saint-Germain, 1836-1894.
3- Pierre-Charles Laurent de Villedeuil, Bibliographie des chemins de fer, n° 1837 : Notice descriptive du chemin de fer de Paris à Saint-Germain, indiquant le tracé du chemin, les ponts et les viaducs qu’il traverse, Paris, in-12 d’une demi-feuille.
4- Ibid., n° 637 : Description du chemin de fer de Paris à Saint-Germain, Paris, in-12 d’une feuille.
5- Pierre-Charles Laurent de Villedeuil, OEuvres de Émile et Isaac Pereire, Série G, Documents sur l’origine et le développement des chemins de fer (1832-1870), t. 3, Paris, p. 1942.
6- Archives départementales des Yvelines, loc. cit.
7- Ibid.
8- Pierre-Charles Laurent de Villedeuil, OEuvres de Émile et Isaac Pereire, op. cit., t. 3, p. 1937.
9- Archives départementales des Yvelines, loc. cit.
10- Selon le maire d’Asnières chez qui les victimes ont reçu les premiers soins. Dans une lettre du 24 août, le préfet de Police parle de 35 blessés, dont trois grièvement.
11- Un autre accident, survenu deux mois plus tôt, le dimanche 10 juin, aurait pu avoir d’aussi graves conséquences. Suite à l’immobilisation d’une locomotive à Colombes (rupture d’essieu), le service avait été reporté sur une voie. La transmission de l’information ayant tardé, un train expédié du Pecq s’était trouvé, arrivé à hauteur d’Asnières, face à un convoi en provenance de Paris. Heureusement, si choc frontal il y eut, celui-ci fut bénin et les voyageurs, transférés d’un convoi à l’autre, purent, les uns et les autres, gagner leur destination sans dommage.
12- Allusion ici au télégraphe (optique) de Chappe. Le Paris-Saint-Germain ne sera équipée du télégraphe électrique qu’en 1847, soit deux ans après la ligne de Rouen et un an après celle de Versailles RD.
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